Témoignage : de l’instruction en famille à l’école du ballet de Hambourg

Ghanima est une adolescente qui sait déjà ce qu’elle veut : devenir danseuse professionnelle. Elle a grandi sans être scolarisée, mettant à profit ses heures de liberté pour danser autant que possible. Ainsi à 12 ans elle a tenté pour la première fois le concours de l’Opéra de Paris, mais c’est deux ans plus tard qu’elle trouve sa formation, en étant admise à l’école du ballet de Hambourg.
Pour Mon autre reflet, elle accepte de revenir sur son instruction et sa passion. Pour aller plus loin nous vous invitons à découvrir sa page instagram. Toutes les photos illustrant cet interview nous ont été envoyées par Ghanima.

Danseuse professionnelle

Bonjour Ghanima, peux tu te présenter brièvement ?

Bonjour ! J’ai 16 ans et je suis actuellement à l’école du ballet de Hambourg, dirigé par John Neumeier. J’espère devenir danseuse professionnelle et entrer dans une compagnie classique ou néo-classique.

Tu as été instruite en famille pendant plusieurs années. Pour quelles raisons as-tu suivi cette forme d’instruction ? Quel type d’instruction as-tu suivi pendant ces années ?

J’ai commencé l’école à la maison très librement, apprenant par les jeux ou les livres (j’avais 5 ans). Cette liberté m’a permis de commencer beaucoup d’activités comme la musique, le théâtre, la piscine… et de continuer la danse que j’avais commencée dès 4 ans.
J’ai commencé à vouloir un emploi du temps et à suivre le programme scolaire comme mes amis du Conservatoire à l’âge du collège, tout en continuant à ne travailler que le matin et en ayant des horaires souples.
Parallèlement, comme l’instruction en famille est plus « malléable » que l’école, j’ai eu la chance de faire beaucoup de voyages, souvent en périodes scolaires, avec mes parents mais aussi mes grands-parents. J’ai énormément appris lors de ces voyages, culturellement et historiquement comme par exemple en Grèce où j’ai visité Olympie, l’oracle de Delphes, le Parthénon… J’ai aussi fait quelques fois de la voile, de la plongée, et j’ai passé mon Padi 2 à 14 ans.
L’instruction en famille m’a aussi permis d’avoir plus de temps pour mes loisirs et activités. J’ai eu du temps pour lire, dessiner, jouer dans le jardin, aux Playmobil®, à des jeux de société, avec mes parents, mes frères et sœur.
À 13 ans je faisais environ 15 heures de danse et 7 heures (sans compter le travail quotidien) de musique par semaine, ce que je n’aurai pas pu faire en étant au collège.
Cette année-là j’ai aussi passé mon brevet en candidate libre et l’ai reçu mention très bien. À 14 ans j’ai voulu essayer l’école, mais en 2nde TMD (seconde technique musique et danse) à Lille. Nous n’étions que 12 musiciens, chanteurs et danseurs et nous n’avions cours que le matin.
L’année dernière était spéciale aussi car j’étais au Gymnasium Hamm, un lycée international à Hambourg. Comme je ne connaissais pas un mot d’allemand j’y ai appris la langue tous les matins (en anglais !) et j’ai passé mon B1 en avril. Cependant je voulais passer mon bac français en gardant mon année d’avance car dès l’année prochaine je n’aurai plus le temps pour les études car la danse sera présente toute la journée. J’ai donc passé le bac français en candidate libre, avec ma mère qui m’aidait par WhatsApp. L’année prochaine je ferai une terminale par le CNED, ce qui sera un autre changement ! (note de la rédaction : l’interview a été effectué durant l’été, Ghanima est donc actuellement en terminale)

élève ballet de Hambourg

école de danse Hambourg

Tu as une véritable passion pour la danse et cette passion t’a conduite en Allemagne. Comment tout a commencé ?
En effet, j’ai toujours aimé danser dès que j’entendais de la musique et cela depuis toute petite. J’ai commencé à prendre des cours dans de petites écoles et à 7 ans je suis entrée au Conservatoire Régional (CRR) de Lille. Après avoir eu ma fin de premier cycle avec mention très bien à dix ans, j’ai commencé à envisager plus sérieusement une carrière professionnelle. J’ai commencé à faire des stages. Je me suis alors rendue compte de l’écart qu’il y avait entre mon CRR et Paris par exemple où la compétition était bien présente avec des filles qui avaient une meilleure connaissance du milieu, de nombreux cours particuliers et beaucoup plus d’argent. En effet la danse a un grand coût (les pointes, les cours) et je remercie grandement mes parents pour m’avoir toujours soutenue dans ma voie.
J’ai décidé de passer des concours d’entrée pour intégrer une école supérieure. J’ai tenté à 12 ans l’Opéra de Paris et à 13 ans le Conservatoire supérieur de Paris. Les deux fois j’ai été retenue lors des premières sélections mais pas à la toute fin. Il y avait très peu de place (1 pour l’Opéra, 4 pour le CNSMDP). Je pensais essayer de nouveau l’année suivante (j’étais la plus jeune lors de l’audition du CNSMDP) et j’ai participé à quelques concours l’année 2018 pour avoir l’occasion de danser sur scène. J’ai obtenu plusieurs médailles qui m’ont donné un peu plus confiance.
Cette année-là je me suis aussi inscrite à Hambourg, sans trop y croire. À l’audition les danseurs venaient des quatre coins du monde : des États-Unis, d’Australie, du Japon… J’étais un peu stressée, mais le cours m’a plu et j’ai bien aimé les exercices. Il y avait plusieurs tours et sur 70 danseurs John Neumeier n’a pris qu’une Italienne, une Brésilienne, un Serbe et moi. J’étais vraiment heureuse et je pense que je n’oublierai jamais ce jour-là.
Je suis entrée en 5ème année, dans une classe de 10, avec des Italiens, des Espagnols, des Coréens…
Dans cette école, il y a 8 années et les deux dernières années sont les « Theatre Classes », des classes pré-professionnelles qui travaillent souvent avec la compagnie. Après avoir passé l’examen en avril où 4 filles n’ont pas été gardées dans ma classe, je suis très contente de commencer la 6ème année à Hambourg.

Nima Danse

Ta première année à Hambourg était donc seulement ta deuxième année en « école » (par simple opposition avec l’IEF) et probablement ta première année loin de ta famille. Sans oublier que tu as préparé à distance le bac de français. Comment se sont passés tous ces changements pour toi ?

Oui, si l’on peut appeler ça « école » !
En effet, j’étais dans un établissement scolaire, mais dans des classes un peu « spéciales »… En 2nd à Lille Pasteur j’étais en TMD ; je suivais des cours d’histoire de la danse, d’analyse musicale, etc. et n’avais cours que le matin dans une classe de 12 élèves. Cette année-là était déjà un changement pour moi : je faisais mes premiers devoirs sur table réguliers, j’avais différents professeurs et surtout je partais à 7h00 le matin pour ne revenir qu’à 21h30 le soir, en raison de la danse. Mais cette année a été une très bonne expérience pour moi, et les changements ne m’ont jamais fait peur.
C’est pourquoi j’étais d’abord très excitée pour ma première année à Hambourg. J’avoue que l’Internat dans l’école de danse, ça me faisait un peu penser à Harry Potter, et encore cette année j’ai parfois l’impression d’être dans un conte.
L’année dernière a été remplie de nouveautés pour moi : je changeais d’école de danse, j’allais dans une classe pour apprendre l’allemand, je quittais tous mes amis… Mais quand je suis arrivée, les éducateurs ont tout de suite été accueillants, les chambres étaient assez grandes et j’étais très contente.
La seule chose un peu compliquée au début a été de ne pas parler anglais, ou très peu. Les autres nouveaux ne savaient pas non plus l’allemand, mais tous parlait anglais entre eux. Je ne pouvais pas m’exprimer comme je le voulais, et les gens pensaient que j’étais timide… C’était parfois frustrant et je trouve que c’est la plus grande différence avec ma première année en lycée, où j’ai pu lier plus rapidement des amitiés. À l’école aussi, parler anglais était une base, car les professeurs nous apprenaient l’allemand en anglais (mais à partir de janvier tout était en allemand). En effet, j’étais en IVK, une classe exprès pour les étrangers, qui nous permet d’avoir le niveau pour entrer dans une classe normale allemande au bout d’un an (un peu plus du B1). Nous venions tous de pays différents (USA, Pakistan…), à cause du travail des parents ou comme moi pour la danse. Entre l’internat et l’école j’ai donc vite appris l’anglais et au bout de quelques semaines je parlais de façon beaucoup plus fluide.
Ne plus voir mes parents qu’aux vacances a été aussi un peu dur, mais heureusement j’avais WhatsApp et au fur et à mesure, j’ai pris mes marques à Hambourg et mes parents m’ont moins manqué, même si je suis bien contente de les voir aux vacances ! En plus, je trouve qu’Hambourg est une ville très agréable, avec plusieurs centres mais aussi des parcs. Ce fut les premières fois où je sortais boire un verre ou faire quelques boutiques avec des amis le week-end !

Au niveau de la danse, il y a bien sûr eu beaucoup de différences… Je rentrais dans une classe où tout le monde voulait faire de la danse son métier et je devais chaque jour montrer de quoi j’étais capable. Ma professeure, Frau Borrajo, était très exigeante : les exercices étaient un peu lents mais tout devait être précis et contrôlé, nous pouvions refaire cinq fois l’adage… Les cours étaient donc très éprouvants et pour moi ils en valaient deux de Lille ! En plus de croiser les danseurs de la compagnie parfois dans les couloirs, nous voyions en général un ballet par mois à l’Opéra de Hambourg. C’était vraiment impressionnant et motivant de voir ces danseurs (que je trouve tous incroyables) surtout en sachant que plusieurs ont suivi ma classe avant !
Avec mes parents, nous avions décidé que j’essaierai de passer le bac français, même si je ne travaillais que les langues au Gymnasium. En effet, je voulais garder mon année d’avance, car si je réussis mes examens en danse cette année, j’entrerai l’année prochaine en Theater Class, et n’aurai plus le temps pour l’école. Je me suis donc préparée seule avec l’aide de ma mère au cours de l’année, mais nous avons surtout travaillé de mars à juin. Ma mère m’envoyait des sujets à étudier et nous en parlions ou je lui envoyais des photos de mon travail par WhatsApp. J’étais un peu stressée pour l’examen, je ne savais pas si j’étais prête… Mais au final tout s’est bien passé et j’ai eu 16 à l’oral et 19 à l’écrit du bac français.

Photo Nima Danse

Merci Ghanima de nous avoir accordé du temps et nous te souhaitons beaucoup de succès dans la voie que tu as choisi.
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