Témoignage : maman d’un enfant hémiplégique

témoignage enfant hémiplégiqueÊtre une maman, c’est s’inquiéter, vouloir le meilleur pour ses enfants, s’interroger sur sa vie quand nous ne sommes pas là… Et pourtant il y a tant de façons d’être parents !

Je vous invite à faire connaissance avec Sylvie, maman de Jérémie. Aujourd’hui Jérémie a 23 ans, il a quitté le nid, signé un CDI et se lance dans le métier qu’il a choisi. Une vie que personne n’aurait osé lui prédire quand il avait 2 ans et qu’il est devenu hémiplégique. Cette interview est l’occasion pour nous de découvrir son parcours mais surtout de faire connaissance avec une maman honnête et inspirante. Toutes les photos viennent de Sylvie.

Pour en savoir plus, vous pouvez découvrir le blog de Sylvie Hémiplégie et blablabla (toujours ouvert mais avec peu de mises à jour). Je vous invite à également découvrir son autre blog, dédié aux amoureux de la marche, Randonnées pour Petits et Grands.

Bonjour Sylvie, peux-tu me présenter ton fils et nous en dire plus sur l’hémiplégie dont il souffre ?
A 23 ans, Jérémie vient de terminer ses études Post-Bac de 5 ans en informatique et d’entrer dans la vie active à Nantes, où il vit dans un petit studio du centre-ville. Rien d’extraordinaire à cela, si ce n’est que Jérémie est hémiplégique. Plus précisément, il présente une hémiplégie droite sur astrocytome pilocytique du tronc opéré à 2 reprises en 1997. Concrètement, on lui a décelé une tumeur au cerveau (bénigne) alors qu’il avait à peine 2 ans, et c’est à la suite de l’opération qu’il est devenu hémiplégique. Lui qui après l’opération avait perdu l’usage de la parole et des membres inférieurs et supérieurs droits a bien récupéré, car aujourd’hui les séquelles restent principalement au niveau de sa main droite, qu’il ne peut pas du tout utiliser… Il n’a pas retrouvé entièrement l’usage de sa jambe droite, mais il marche, et peut même courir un peu… D’autre part, son champ visuel rétréci lui a valu l’interdiction de passer son permis de conduire. Mais il a pu passer son permis pour conduire une voiturette.

Quel type de scolarité ton fils a-t-il eu ? Avait-il une AVS (aide de vie scolaire) avec lui ?
Après avoir appris à marcher à 2 ans et demi, Jérémie a eu une scolarité tout à fait normale, et il a pu aller à l’école de notre village. Je redoutais qu’il soit obligé d’aller dans une école spécialisée mais on nous a proposé l’intervention d’un SESSAD (Service d’éducation spéciale et de soins à domicile). Il y a été pris en charge de septembre 1999 à juin 2005, avec l’intervention d’un kiné, d’un ergothérapeute et d’une psychomotricienne à l’école, sur les temps scolaires. Il aurait pu bénéficier de l’aide d’une AVS mais ça n’a pas été nécessaire.
Avec des aides techniques, comme par exemple une planche à dessin avec une règle fixée dessus pour tracer des traits et souligner (car impossible d’utiliser une règle et un crayon à la fois, avec une seule main…), et l’aide ponctuelle des instits et/ou de ses camarades, il a toujours réussi à se débrouiller.

règle à utiliser d'une seule main

Comment jongliez-vous entre les rendez-vous médicaux, les devoirs, le temps en famille ? Quels souvenirs gardez-vous de son enfance puis de son adolescence ?
Au moment où Jérémie a été opéré, je ne travaillais pas, à la suite d’un licenciement économique. Après ses opérations, ses chances de récupération selon les médecins étaient comprises entre 0 et 100 % ! Les rendez-vous médicaux étaient nombreux… Ma carrière professionnelle de secrétaire trilingue, qui m’importait peu à vrai dire, est donc tout naturellement passée après mon fils. J’ai fait une demande d’AEEH (Allocation d’éducation de l’enfant handicapé) pour faire reconnaître le handicap de Jérémie, et je me suis occupée de lui à plein temps. Lorsqu’il a commencé à devenir plus autonome, à son entrée au collège, j’ai finalement repris le travail (en laissant le domaine du service export, pour ne plus avoir de salons à faire à l’étranger), mais à temps partiel.
Les contraintes médicales ont bercé l’enfance et l’adolescence de Jérémie. Heureusement c’était un enfant facile, volontaire et déterminé, ce qui a grandement facilité les choses. Je me souviens par exemple qu’un kiné nous a dit qu’un jour Jérémie en aurait marre de ses séances, et qu’il les refuserait, ce qui n’est jamais arrivé…

Ton fils a montré une grande curiosité envers la lecture avant l’âge officiel (selon l’école). Comment a-t-il appris à lire ?
Passionnée par les livres, j’ai toujours rêvé de transmettre cette passion à mes enfants… Très tôt, il y a eu beaucoup de livres à la maison, ce qui n’a pas manqué d’intéresser Jérémie. À tel point qu’en grande section il ne faisait que de me demander de lui apprendre à lire ! Devant son insistance, j’ai fini par en parler à son institutrice, qui m’a expliqué que si je ne répondais pas à sa demande, il finirait par ne plus me faire de demandes du tout à l’avenir. Voilà comment je me suis retrouvée à lui apprendre à lire, avec une méthode de lecture pour la maison : « J’apprends à lire avec Pilou et Lalie ». L’apprentissage a été vraiment facile avec Jérémie, qui était très demandeur. Par contre, ainsi que je le redoutais, il s’est ennuyé en C.P.

j'apprends à lire avec Pilou et Lalie

Quel était le rapport entre Jérémie et les autres enfants ? Surtout dans les premiers temps dans chaque nouvel établissement ? Ou peut-être même à chaque rentrée ?
Jérémie a toujours eu un excellent contact avec les autres enfants. En primaire, une de ses institutrices m’a dit un jour que c’est son côté attachant et facétieux qui lui valait l’attachement et la bienveillance de ses camarades. Je pense effectivement que c’est ce qui lui a toujours permis de s’intégrer parfaitement à chaque fois, que ce soit en primaire, au collège, au lycée, et après en post-bac.
À chaque entrée dans une nouvelle école (sauf en post-bac), je prenais les devants en demandant un rendez-vous avec le directeur (ou la directrice) pour expliquer la situation de Jérémie, qui était ensuite exposée aux élèves. Malgré mon appréhension (car les enfants ne sont pas toujours tendres entre eux…), il n’y a jamais eu aucun souci.

Pour passer le brevet et le bac, avez-vous demandé un aménagement spécifique pour ton fils ? Comment cela s’est-il passé ?
Jérémie a bénéficié d’un PAI (Projet d’accueil individualisé), et comme il avait besoin de plus de temps que les autres pour écrire, et surtout pour utiliser sa règle (planche à dessin), on a fait la demande d’un tiers-temps supplémentaire pour le baccalauréat. Nous avons été rassuré quand ça lui a été accordé. Il a donc eu du temps supplémentaire sur les épreuves, et aussi l’aide d’une tierce personne pour son épreuve de chimie au bac (BAC S), pour manipuler les éprouvettes…

interview d'une maman d'un enfant différent

Toutes les mamans ont des doutes et des peurs face à l’avenir de leur enfant. Mais toi, n’as-tu jamais craint pour son futur en raison de son hémiplégie ? Avais-tu des personnes pour te soutenir dans ton rôle de maman ?
Oh oui ! J’ai tremblé plus d’une fois pour l’avenir de Jérémie à cause de son handicap. J’avais peur qu’il ne trouve pas sa voie, peur qu’il la trouve mais que son handicap soit une barrière, peur qu’il réussisse à avoir un diplôme mais que les employeurs ne veuillent pas de lui, peur qu’il n’arrive pas à se débrouiller tout seul loin de nous dans un logement…
Quand en première il m’a annoncé qu’il voulait intégrer EPITECH, une école sur 5 ans (dont une année à l’étranger) spécialisée en informatique, je ne savais pas si je devais me réjouir ou craindre encore plus pour lui !
En dehors de ma famille, et de mes amis, mon premier soutien a toujours été Philippe, mon mari.

Après avoir validé ses études supérieures, il a déjà un CDI. Penses-tu que c’est de la chance, de la détermination, la suite logique des années précédentes ?
Jérémie était déterminé à entrer à EPITECH. Une fois admis, sa détermination ne l’a pas lâché… Nous savions que s’il arrivait au terme de ses études, il avait quasiment l’assurance de trouver un travail. C’est la réputation de cette école. Mais je redoutais que le marché du travail change en 5 ans ou que les employeurs ne soient pas intéressés par son profil à cause de son handicap. J’ai été un peu rassurée au moment où il a décroché son premier stage…
En tant que passionné en informatique, Jérémie a adoré toutes ces années d’études, et il a réussi à passer le cap chaque année. Pour cette 5ème année, il avait un stage de fin d’année à réaliser, de début mars à fin août. Il a réussi à décrocher un stage, qui s’est transformé en CDD, dans une start-up où il avait déjà fait un stage avant son séjour en Afrique du Sud (dans le cadre de ses études). Ils ont souhaité le garder, et le 31 août, dernier jour officiel de son statut d’étudiant, il signait un CDI !
Je pense que c’est la suite logique de toutes ces années d’études, et une suite de la réputation de l’école… Encore faut-il réussir à aller jusqu’au bout des 5 ans d’études, ce qu’a réussi à faire Jérémie grâce à son incroyable détermination sans faille.

Merci beaucoup Sylvie pour ton témoignage !

Poursuivez votre lecture avec d’autres interviews permettant de rencontrer d’autres mamans formidables comme Adélaïde qui a choisi pour sa fille l’IEF après une phobie scolaire ou encore Daksina qui instruit à la maison et maintient le lien avec sa culture d’origine.

2 réponses sur “Témoignage : maman d’un enfant hémiplégique”

  1. Quel beau et touchant témoignage de Sylvie, quant au parcours de Jérémie ! Tellement d’amour, de confiance, d’encouragement dans le cheminement de cet enfant, un bel exemple. De « belles personnes » que j’ai la chance de connaître. Merci Sylvie, émouvant tout ce que tu as formulé, des mots qui te viennent du coeur, une attitude toujours positive, soutenue par tes proches. Bravo aussi à toi Jérémie

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *