Mon avis sur AdoDys – une collection de roman pour les dys

Tom Pousse est une maison d’éditions spécialisée dans les troubles des apprentissages. C’est en voulant comprendre la dyslexie et la dysorthographie mais aussi en cherchant des outils que je l’ai découverte. Depuis je garde un œil ouvert sur son catalogue. C’est ainsi que j’ai appris la sortie de la collection de romans AdoDys qui compte actuellement quatre titres (j’en ai lu trois). Voici donc une présentation suivie de mon avis sur AdoDys ainsi qu’un résumé de livres que j’ai lus.

Remarque : j’ai lu trois livres, deux grâce à ma bibliothèque municipale puis un reçu en service de presse. J’ai également échangé avec l’éditrice en charge de la collection pour en savoir plus sur la démarche et le choix des autrices. L’article n’en reste pas moins personnel.

AdoDys, c’est quoi ?

Publié chez Tom PouSSe, AdoDys est avant tout une collection de courts romans (environ 150 pages) que l’on classe en général dans les tranches de vie. Des romans à lire entre 10 et 16 ans suivant les titres. Ils ont tous en commun d’avoir un héros (es personnages principaux masculins dominent) avec un trouble dys ou autiste.

Ça c’est pour le contenu, car l’autre élément important est la forme.
Tout est fait pour que le roman ressemble à n’importe quel roman poche, cependant à l’intérieur la police est adaptée aux lecteurs dyslexiques et les lignes ont un espacement plus important. Le papier est mat pour éviter les reflets et je ne regrette qu’une chose, que le papier soit fin et qu’on soit gêné par le texte de l’autre côté de la page (il est légèrement visible en transparence).

Comme me l’a expliqué la maison d’édition, les lectures communes en classe peuvent devenir source de discrimination. Ici, un même livre (objet) peut être lu par toutes et tous. Je pense à Ma vraie nature par exemple qui évoque le harcèlement.

À noter tout de même que la police utilisée est Andika, qui est souvent conseillé pour les dyslexiques. Après quelques recherches, s’il y a beaucoup de constances sur ce qu’est une bonne police d’écriture pour personnes dyslexiques, il y a un désaccord : la forme du A.
Le « a » script (comme je viens de l’écrire) peut être confondu avec le « e » script. L’une des solutions est de jouer sur l’épaisseur des traits. L’autre solution est de proposer en A rond, comme en cursif. C’est le choix de la police Andika.
Le hic est que le A devient alors très similaire au O. Du coup, si votre enfant est dyslexique, je vous conseille de lui laisser regarder l’extrait en photo ci-dessous avant de commander (car pour ma fille c’est un gros non, lire ça est difficile, pour une lecture loisirs, elle ne veut pas). Il faut regarder le texte et non le titre du livre ou des chapitres.

AdoDys espacement police et type de papier

Mon avis sur AdoDys après lecture de 3 titres sur 4

J’ai lu une histoire avec un enfant dyspraxique, une autre avec un enfant dyslexique et une dernière avec un enfant autiste. Le roman sur l’autisme est vraiment à mettre à part et je vous laisse prétendre qu’il n’existe pas pour lire mon avis sur AdoDys. Je reviens strictement sur ce tome un peu plus bas.

J’aime beaucoup cette collection qui réussit à proposer un bon équilibre entre la présentation d’un trouble dys et le récit. L’écriture est à chaque fois assez dynamique et les héros sont attachants. Cela pourrait être n’importe quel garçon de l’entourage de ma fille.

L’ensemble est très ancré dans le réel. Il s’agit de montrer la vie quotidienne, avec ses contraintes (le collège, le changement de salles à chaque heure, les rapports avec les profs) mais du point de vue d’une personne avec un trouble des apprentissages. C’est vraiment très bien fait. Il y a ceux qui pensent savoir ce que c’est, ceux qui savent vraiment, ceux qui ne disent rien, etc. Comme le point de vue est celui de l’enfant, on navigue avec lui dans l’univers impitoyable du collège et ce n’est que grâce à certains rebondissements qu’on en apprend plus (mais pas toujours) sur les intentions des enseignants ou des autres élèves.

Je ne suis pas dyslexique, c’est pourquoi je suis restée factuelle dans la partie ci-dessus. Par contre, j’ai apprécié le fait que cela ressemble à n’importe quel livre. Pour moi c’est ça l’accessibilité : permettre à tout le monde d’utiliser le même support.

Côté histoire, vous me connaissez, je scrute tous mes livres avec un regard acéré.
Et il faut bien admettre que pour l’instant sur cinq livres dans la collection AdoDys (dont celui qui sort fin mars 2024) il y a 5 personnages principaux qui sont blancs et on a trois garçons pour deux filles.
Actuellement on sait que l’autisme est moins diagnostiqué chez les filles (car on ne « sait » pas reconnaître les signes). Et côté dyslexie, certaines études n’ont pas réussi à déterminer si les garçons sont vraiment plus souvent dyslexiques ou si on les diagnostique mieux. Il me semble donc important d’inclure les filles pour montrer ce qu’est un trouble dys, de l’autisme mais peut-être aussi du très haut potentiel, du TDHA, etc. au féminin.

avis collection Adodys

Présentation des romans que j’ai lu

Une rentrée dys sur dix – La vie selon Raf

Une rentrée dys sur dix est mon titre préféré. Mais je suis fan de l’autrice Yaël Hassan, donc je ne suis peut-être pas totalement objective.
Dans ce court roman, on suit la rentrée en 6e de Raf, 11 ans. Il est dyspraxique, il a un diagnostic et la possibilité de bénéficier d’aménagements, mais il préfère éviter de les utiliser pour rester discret. De toute façon, les profs ne comprennent pas toujours vraiment de quoi il s’agit, comme le prof de sport qui le force à courir avec les autres. Il croise également la route d’une enseignante qui semble mépriser absolument tous les élèves.
Le récit oscille entre présent (cette nouvelle année scolaire) et passé pour montrer le parcours de Raf, depuis ce que l’on percevait comme des maladresses jusqu’au diagnostic.

Je ne connaissais pas grand-chose à la dyspraxie et j’ai trouvé cette lecture agréable et instructive. D’ailleurs, contrairement à moi l’autrice connaît la dyspraxie par un membre de sa famille proche.
Il devrait y avoir une suite et j’ai hâte de la découvrir. Toutefois, ce roman se lit seul et possède une véritable fin.

Ma vraie nature

Tom a 13 ans et il n’aime pas le collège. Il s’y sent nul, un sentiment entretenu par certains profs, les notes et les remarques de ces camarades. Alors à l’annonce d’un voyage de classe, il est loin de partager l’enthousiasme des autres. Jour et nuit en contexte scolaire : l’horreur.
Le problème de Tom est qu’il est dyslexique et que ses difficultés de lecture semblent prendre le pas sur tout le reste. Alors quand il a l’opportunité de renverser l’ambiance avec les deux jeunes qui se moquent le plus de lui, il n’hésite pas, même si ça veut dire participer aux moqueries. Pourtant, il va finir par se rendre compte qu’il a des compétences utiles et que les moqueries peuvent cacher des problèmes chez ceux qui les professent.

Contrairement au roman ci-dessus, Ma vraie nature a un côté bien moins documentaire, on plonge vraiment dans le récit et on oublie presque la dimension pédagogique sur la dyslexie. Au niveau de l’écriture j’ai préféré, même si au niveau de l’histoire, les ficelles sont un peu grosse.

Le point fort de ce livre est sa réflexion sur le harcèlement et sur la facilité avec laquelle on peut devenir harceleur à son tour. J’ai bien aimé car on retire totalement la vision (pourtant si fréquente) que les harceleurs sont les méchants parce que c’est comme ça depuis toujours.
Bref, un très bon livre sur le harcèlement avec en bonus des éléments sur la dyslexie.

Le garçon qui voulait être un chat

Ce n’est pas un hasard si ce livre arrive tout à la fin, car je pense qu’il serait préjudiciable de le confier à des enfants autistes ou à leurs proches. Je suis contente d’avoir lu Le garçon qui voulait être un chat en dernier car autrement je n’aurai jamais ouvert un autre livre de la collection.

Côté résumé, c’est très simplement l’histoire d’Ilyan un garçon autiste de ses 4 ans jusqu’à ce qu’il ait des amis au collège. On suit donc l’avant diagnostique, la maternelle qui le refuse, l’école spécialisée, l’école primaire (où il se fait harceler) et enfin le début du collège. La dernière moitié se concentre aussi sur l’impact du diagnostic d’Alzheimer chez son grand-père (c’est d’ailleurs très touchant).

présentation personnage du roman Le garçon qui voulait être un chat
Tous les romans commencent par une présentation avec illustration des personnages

Alors qu’est-ce qui ne va pas ?
J’ai eu l’impression de lire la vie d’un autiste vu par quelqu’un qui n’y connaît rien (dans une approche sérieuse, en dehors des médias classiques) mais qui a vu le quotidien d’une famille avec un membre autiste. Une vision extérieure, pessimiste, négative et assez destructrice pour un lecteur autiste.
Le récit laisse penser que l’autiste est responsable de la séparation de ses parents et de son harcèlement. Il n’est absolument pas évoqué la solitude des parents ou les pères qui fuient les responsabilités, il n’y a pas la distance qu’un regard d’adulte peut porter sur cette situation.
Il en va de même pour le harcèlement, si la situation commence c’est parce qu’Ilyan a révélé un secret que son père lui avait demandé de garder. Il n’est nulle part écrit que le coupable est toujours le harceleur.
Ça fait mal à lire, alors que je suis adulte et que j’ai de la distance. Je regrette qu’aucun relecteur sensible n’ait travaillé sur ce texte, que plusieurs personnes autistes n’aient pas pu le lire et donner leur avis avant publication. Et je parle bien de personnes autistes et non de parents d’autistes.

On aurait pu éviter un autre souci dans ce récit.
« Ilyan est Asperger, il a le syndrome d’Asperger. » Voici ce que l’on lit à plusieurs reprises.
C’est une vision de l’autisme qu’aujourd’hui les médecins réfutent et que de nombreuses personnes dénoncent en raison de la démarche initiale du médecin qui a donné son nom à ce syndrome, un médecin nazi (je vous laisse lire l’article de Slate sur le sujet). Asperger est un terme qui permet de désigner des autistes mieux que d’autres : ceux qui peuvent fonctionner en société car ce sont des génies. Le sous-entendu était qu’on pouvait se débarrasser des autres (j’avais dit qu’il était nazi).

Je sais que le terme est encore assez populaire (surtout en France) mais il est impossible aujourd’hui d’ignorer ce que cela recouvre.

Conclusion

La collection AdoDys a le terme « Dys » dans son nom et tant que l’on se concentre sur ce point, que ce soit de la dyspraxie ou de la dyslexie, c’est vraiment une collection intéressante pour les ados, tant pour la forme que le fond.
Je vais juste faire comme si celui dédié à l’autisme n’existait pas et tout ira bien.

D’ailleurs, pour conclure je vous laisse le lien vers une sélection de trois livres sur l’autisme dont un roman ownvoice* absolument magnifique.

*ownvoice : un roman dont l’auteur ou l’autrice partage des éléments d’identité avec son personnage principal, que ce soit la religion, l’origine, un handicap, etc.

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