Comment parler de harcèlement avec les enfants ?

La définition du harcèlement scolaire est simple. Il s’agit d’une violence répétée, qu’elle soit verbale, physique ou psychologique. Parler du harcèlement avec les enfants est un premier pas pour prévenir cette violence et cela leur donne aussi des outils pour rompre un cercle vicieux.

Remarque : nous utilisons ici le terme harcèlement scolaire alors même que nous sommes sur un site dédié à l’instruction en famille (IEF). Il y a plusieurs raisons à ce choix. La principale est que cela désigne le harcèlement entre enfants et que cela peut se dérouler dans la rue, à l’école de musique et même dans les groupes de sorties en IEF. De plus, de nombreux enfants non-scolarisés sont en contact étroit avec des enfants scolarisés et passent une partie de leur instruction en établissement scolaire.

Le harcèlement scolaire, ça concerne tout le monde

Une étude IFOP menée en 2021 est assez effrayante (source) :
→ 41 % des Français déclarent avoir subi un acte de violence continu ou non pendant leur scolarité ;
→ pour 80 % des victimes, cela a duré plus de trois mois et pour 38 % plus d’un an.

On peut donc tous se retrouver du côté de la personne harcelée mais aussi faire partie des harceleurs.

Pourquoi parler du harcèlement ?

J’ai remarqué que le discours sur le harcèlement se concentre énormément du côté des victimes. On obtient des informations pour se défendre et obtenir de l’aide. On s’adresse aussi aux témoins en leur demandant d’intervenir (et en donnant des conseils).
Cependant cela oublie la source du problème : le fait qu’il n’y a pas un profil type du harceleur, que certains sont même de bons gamins qui souffrent par ailleurs. D’ailleurs, pour citer une adolescente que je connais qui a participé à du cyber-harcèlement, la victime « ne devait pas être au courant, c’était juste un jeu »…
Je crois que parler du côté « harceleur » est important pour faire comprendre à ceux qui pensent être « dans un jeu » qu’ils ont la possibilité d’y mettre fin sans être ridiculisés par les autres.

C’est pourquoi je pense qu’il faut parler du harcèlement à tout âge : pour comprendre que l’on peut participer au problème, même sans en avoir conscience ; pour comprendre que l’on peut être victime, même sans avoir « le profil d’une victime ».

Une autre chose qui manque est que dans les romans et les films, les victimes ont un profil type. Il s’agit d’une personne grosse ou moche (on parle de cheveux gras, d’acné, de grosses lunettes, de vieux vêtements). Cela omet que les victimes peuvent être des filles mignonnes (le harcèlement à caractère sexuel n’en est pas moins du harcèlement), des personnes noires (le harcèlement est une violence répétée, subir le racisme tous les jours est du harcèlement), sans oublier ceux et celles qui sont harcelés en raison de leur identité de genre, leur croyance, leur santé, etc.

Livre sur le harcèlement scolaire

Voici différents titres, pour des tranches différentes et ne mettant pas l’accent sur les mêmes éléments. Pour rappel, il s’agit de ressources que je vous conseille pour ouvrir le dialogue avec vos enfants. Même si ce sont principalement des récits de fiction, il ne s’agit pas de laisser votre enfant seul face au texte, mais bien de saisir l’opportunité d’en parler.
Voici quelques questions pour enrichir la lecture (ce sont des questions ouvertes, sans aucune bonne réponse) :
→ Pourquoi X (prénom du harceleur) a-t-il commencé à se moquer de Y ?
→ Pour toi, quel est le personnage le plus courageux du récit ?
→ Est-ce que Y (la victime) aurait pu faire quelque chose pour éviter ça ?
→ À ton avis, comment se sent X à agir ainsi ?

La liste ci-dessous n’est pas exhaustive et j’ai exclu certains titres que j’ai lus et pas du tout appréciés.

Roman Le jeu des cent robes – Eleanor Estes – à partir de 6-7 ans
Mon livre préféré n’est malheureusement plus édité (mais encore disponible dans certaines bibliothèques et en occasion).
Dans Le jeu des cent robes, l’histoire est racontée du point de vue de Maddie. Elle aime bien Peggy et trouve qu’elle n’est pas très sympa de se moquer de Wanda. En même temps, certaines de ces blagues sont drôles et tout le monde voit bien que Wanda est trop pauvre pour avoir toutes les robes qu’elle décrit.
Les chapitres sont courts. L’ensemble est présenté comme un récit sur la pauvreté et l’intolérance. Cependant, il s’agit bel et bien de harcèlement scolaire et le fait de le vivre via l’une des harceleuses permet de découvrir une très riche palette d’émotions (du plaisir à être en groupe à la culpabilité).
La conclusion me semble aussi parfaite, car Maddie ne peut absolument rien faire pour Wanda. Quand elle comprend qu’elle n’aurait pas dû agir ainsi, Wanda a déménagé. Elle ne peut pas s’excuser, elle ne peut pas réparer et nous, lecteurs, espérons juste que de véritables amies attendent Wanda dans sa nouvelle vie.

Documentaire Le harcèlement, collection mes p’tites questions – à partir de 5 ans
Chaque double page part d’une question formulée telle qu’un enfant pourrait la dire. De là, on obtient des réponses relativement concrètes. Cela couvre de nombreux sujets mais j’ai trouvé qu’il y avait des répétitions et beaucoup de bons sentiments. Par ailleurs, il a le défaut de se concentrer sur la victime, comme si le livre était écrit pour elle (et non pour tous les enfants).

roman jeunesse harceler n'est pas jouerRoman Harceler n’est pas jouer – Delphine Pessin – à partir de 9 ans
Suite à une fête d’anniversaire, Léonie devient la cible préférée d’Estelle pour les moqueries. Elle lui donne un surnom et fait circuler une photo d’elle. Léonie essaye de se faire la plus discrète possible pour que ça passe, mais rien ne change.
Ce récit se déroule dans une classe de CM1 et cible ce lectorat, avant l’adolescence donc.
On y voit bien les différentes étapes du harcèlement, le point de départ souvent insignifiant, l’accroissement des moqueries, l’ajout de violence physique invisible, l’effet de groupe, la peur des représailles, la culpabilité de la victime. L’aspect juridique est même brièvement évoqué.
La cheffe de file du harcèlement déclare « si c’est un jeu, c’est pas du harcèlement ». C’est un choix que je trouve intéressant car les « méchants » ne cherchent pas à être vraiment « méchants ».
Attention, toute la résolution de la situation repose principalement sur la victime, même si elle obtient une aide extérieure, elle a dû parler. C’est à la fois stimulant (on peut s’en sortir) et effrayant (si je ne fais rien cela continuera toute ma vie).

Roman féminine chez scrineoRoman Féminine – Louison Nielman – à partir de 10-12 ans
Techniquement c’est un roman pour ado sur le fait de sortir de l’opposition fille/garçon, de pouvoir être une fille et aimer la boxe.
En arrivant en milieu d’année dans un nouveau collège, Gabrielle se fait remarquer. Probablement aussi car elle refuse de se lier d’amitié avec qui que ce soit, qu’elle fait de la boxe et du rugby, qu’elle refuse de se laisser faire quand on parle d’elle.
Le lien avec le harcèlement est discret mais présent. Gabrielle essuie de nombreuses remarques mais ce n’est rien à côté de ce que Maël vit (bousculades et moqueries) et même d’une certaine façon de ce que Manon subit. L’un car il est trop délicat pour être « un garçon », l’autre car à vouloir faire partie du groupe elle accepte trop/tout. À quel moment est-ce une boutade, à quel moment c’est du harcèlement ? J’aurai des enfants plus grands dans mon club lecture, je leur proposerai juste pour avoir le plaisir de débattre de la question.

roman témoignage sur le harcèlement scolaireDe la rage dans mon cartable – Noémya Grohan – à partir de 13-14 ans
Avis rédigé par Yza, qui est la seule à avoir lu ce roman.
Ce livre est le témoignage personnel d’une jeune femme, Noémya Grohan, victime de harcèlement dès son entrée au collège, situation initiée par deux filles. Pour elle, ça a été le début de la descente aux enfers qui a duré jusqu’à ses 22 ans. Ce qui l’a en partie sauvé, c’est sa capacité à coucher ses états d’âme sur le papier sous forme de rap.
C’est un petit livre très émouvant qui relate le quotidien d’une personne harcelée en milieu scolaire. Les sentiments d’incompréhension, de solitude et de rejet sont bien présents, ainsi que ce que l’inaction des autres élèves et surtout des adultes encadrants peut entraîner sur le long terme.
C’est un ouvrage que je recommande et qui devrait être étudié en classe dès l’entrée au collège voire dès le CM2, et qui mérite d’être aussi lu par les enseignants et les parents.
Une vidéo de l’autrice est disponible sur le site de l’association qu’elle a créée.

Manga A silent voiceManga A silent voice, série en 7 tomes – Yoshitoki Oima – à lire dès 14 ans
Shoya s’ennuie à l’école. Lorsqu’une nouvelle arrive dans sa classe, il y voit une source de nouveautés. Mais sa curiosité envers Shoko se transforme vite en harcèlement quand il découvre qu’elle est sourde. Et quand la situation atteint un point de non retour, Shoko quitte l’école et Shoya devient victime de harcèlement à son tour.
Le premier tome se concentre sur ces quelques mois de harcèlement vécu par l’un puis l’autre personnage. Les autres tomes se concentrent sur l’après lycée, quand les deux personnages se retrouvent et que Shoya souhaite se faire pardonner.
J’ai ajouté ce manga à ma liste car les deux personnages ne réagissent pas du tout de la même façon. Ainsi Shoya, qui a d’abord été harceleur avant d’être harcelé, organise son suicide. C’est donc plutôt un récit sur l’après puisque le harcèlement ne prend absolument pas fin pendant la scolarité (c’est le fait de quitter l’école qui y met fin). C’est une belle histoire d’amitié, de pardon, de résilience et de nouveau départ.

Remarque : l’histoire a été adaptée en anime.

Pour aller plus loin

Voici quelques associations qui ont des ressources à destination des établissements scolaires et qui parfois acceptent même d’intervenir devant des classes :
Association Hugo
Association les Papillons
Association Marion la main tendue
Association Génération Numérique

J’ai déjà eu une discussion avec ma fille (de 10 ans) sur le harcèlement en ligne (évoquée dans un roman qu’elle a lu). Même si j’ai évoqué le fait qu’en tant qu’enfant mettre des images en ligne n’est pas une bonne idée, j’ai surtout insisté sur le fait qu’il existe un numéro vert qui aide de façon anonyme à faire disparaître les images. Mon idée était de lui faire comprendre que si elle ou une amie est trop embarrassée pour en parler à un adulte proche (car on se sent responsable), il est possible d’avoir une première aide sérieuse. Les coordonnées sont disponibles sur cette page.

Enfin, comme dit plus haut, une autre façon de prévenir le harcèlement, c’est en prenant conscience que le racisme (même ordinaire), la grossophobie, l’homophobie peuvent déboucher sur du harcèlement scolaire. Sensibiliser les enfants à ces questions leur permet de prendre conscience, lorsqu’ils ne sont pas concerné, des situations problématiques où ils peuvent réagir. Pour cela, vous pouvez consulter l’article sur une éducation à l’anti-racisme.

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