Témoignage : faire l’IEF à l’île Maurice

En 2019, Naomi avait partagé sur notre blog son quotidien en tant que maman d’une famille nombreuse qui a fait le choix de faire l’instruction en famille. Elle nous donnait beaucoup d’informations concrètes sur son quotidien, pour montrer que c’est un choix de vie tout à fait possible. Depuis, elle a quittée la France métropolitaine pour une destination exotique. Un tel changement nous a donné envie de prendre de ces nouvelles !

Toutes les photos sont de Naomi et sont protégées par les droits d’auteurs. Il est interdit de les utiliser.

Faire l'IEF à l'île Maurice

Bonjour Naomi, peux-tu nous dire où vous vous êtes installés et comment ça se passe ?

Nous vivons depuis octobre 2021 à Maurice, une île magnifique de l’océan Indien appartenant avec La Réunion à l’archipel des Mascareignes.
C’est un petit pays d’environ 65 km du nord au Sud et 45 km d’est en ouest pour l’île principale (soit une superficie de 1865 km²). L’autre île de la République de Maurice est Rodrigues, qui fait 109 km², un confetti dans l’océan. La taille du pays et sa localisation jouent beaucoup au quotidien et bien sûr cela influence beaucoup notre instruction en famille, j’y reviendrais.
Nous sommes officiellement expatriés français à l’étranger avec un visa pour 10 ans, mais notre curiosité nous poussera peut-être à découvrir un autre pays avant la fin de ces 10 ans, nous verrons bien.
Maurice est une république où l’on parle anglais (la langue officielle), français et créole. Il est très facile de s’intégrer tant les Mauriciens sont gentils et serviables. Je trouve que c’est une population tournée vers la famille et vers les autres : le pique-nique sur la plage est une institution ou presque, inviter des gens chez soi, discuter dans la rue avec ceux qu’on croise est très fréquent ici. Bien sûr la météo aide, tout le monde est souvent dehors, c’est plus facile pour les rencontres et contacts. C’est un pays également très ouvert aux spiritualités et religions. Il n’est pas rare que dans la même rue il y ait une mosquée, un temple hindou et une église.
Nous n’avons pas de mal à nous intégrer, d’abord parce que les Mauriciens parlent très bien plusieurs langues, dont le français, ensuite parce qu’ils sont très accueillants et cherchent à donner l’information la plus utile possible. Nous avons néanmoins beaucoup à apprendre, d’abord pour cuisiner, car nous ne trouvons pas les mêmes produits ou alors ils sont extrêmement chers. Les prix du transport maritime ayant décuplé ces trois dernières années, les produits importés ont donc également énormément augmenté, ce qui fait que nous devons nous adapter et faire des compromis. Le choix de produits est limité et dépendant des arrivages.
Les enfants ont rejoint des clubs sportifs et se font également de nouvelles connaissances de par l’église chrétienne que nous fréquentons ici. Nous nous sentons très bien à Maurice.

IEF à l'île Maurice

Lors de notre précédente interview, tes aînés préparaient le brevet des collèges. Comment ont-ils poursuivi leur instruction ?

Nos deux aînés ont passé le bac Covid en 2020, tout en étant très pénalisés par l’agenda décidé. En effet, alors que le bac se déroule normalement fin juin, laissant l’été pour organiser sa rentrée, les candidats libres (NDLR : toute personne passant le bac sans être scolarisé dans un établissement physique) de cette session Covid ont été largement pénalisés de par des épreuves se déroulant dans des centres d’examens éloignés, mais également de par les dates : une seule et unique session en septembre et des résultats publiés fin septembre, alors que la plupart des lieux d’études supérieures avaient effectué leur rentrée ou avait déjà complété leurs quotas d’élèves. Nos enfants ont décidé de faire une année sabbatique après avoir eu leurs résultats. C’était déjà ce qui était au programme pour notre fille qui devait initialement voyager et apprendre des langues. Malheureusement, la crise Covid n’a pas permis de voyager et elle a passé une année à approfondir ses connaissances dans divers domaines qui lui plaisaient. Notre fils, voulant devenir programmeur informatique, a réalisé cette année-là quelques projets personnels pour se former.
Après notre déménagement en octobre de l’année suivante, notre fils ne voulait pas entrer dans une école d’informatique par peur de perdre du temps avec des apprentissages qui ne lui plaisaient pas. Alors il a choisi de passer des certifications en ligne de langage informatique. Il cherche désormais un travail en freelance.
De son côté, notre fille a commencé un stage dans une école démocratique ici, cela lui a beaucoup plu, notamment la salle de classe Montessori. Alors elle se forme désormais pour devenir éducatrice Montessori avec un énorme soutien et tutorat de l’école démocratique. C’est une très belle opportunité, qui (selon moi) montre la différence de mentalité entre ici et la France qui a du mal avec les parcours scolaires atypiques ou originaux.
Les enfants sont heureux et nous avons pu nous passer de parcoursup qui ne nous semblait pas adapté et difficile d’accès (mais pas impossible) au vu de l’absence de livret scolaire de nos enfants.

Musée de la canne à sucre île Maurice
Au musée de la canne à sucre

Comment ça se passe pour faire l’instruction en famille (IEF) dans votre pays d’accueil ?

À Maurice, il n’y a pas de réglementation sur l’IEF. Cette absence de réglementation nous permet de vivre notre IEF sans déclaration ni contrôle (le rêve). Nous avions en effet choisi Maurice en grande partie pour cela. Tant qu’à s’expatrier et avoir la chance de choisir le pays, autant que les lois nous conviennent majoritairement.
L’une des grosses différences avec la France est qu’il est assez compliqué de trouver des manuels scolaires ou matériels spécifiques ou moins connus. Avant j’achetais le livre que je voulais quand je voulais, ici je dois me débrouiller avec ce qui est vendu et, de plus, assez cher la plupart du temps. De même pour le petit matériel simple pour les activités manuelles, c’est très souvent de très mauvaise qualité et pas vraiment donné. Du coup je me débrouille beaucoup plus avec des ressources que je trouve en ligne.
Je n’ai pas de contrôles qui me font culpabiliser ou me précipiter sur notre IEF comme je pouvais le vivre parfois avant certains contrôles, du coup nous le vivons encore plus à fond. C’est paradoxal sans doute. J’ai l’impression de mieux vivre mon IEF et surtout plus en adéquation avec mes principes. Par exemple j’aime dire aux enfants qu’on cherche à apprendre pour nous même, pour notre stimulation, notre curiosité et pas pour une personne (les parents, un prof ou un inspecteur). Et cependant en vivant ici, je remarque que finalement j’orientais tout de même les apprentissages de mes enfants en fonction des codes et attentes des inspecteurs. Je ne dis pas que c’est mal de le faire, simplement qu’inconsciemment mes choix étaient orientés. Ici, je n’ai pas de compte à rendre (à part à moi-même et à mes enfants instruits ce qui est déjà pas mal), alors nous vagabondons bien plus qu’avant, nous prenons le temps aussi, c’est bien plus joyeux. Nous avons une enfant qui présente quelques difficultés et je n’ai aucune obligation qu’elle se cale sur son jumeau.
Il y a une petite communauté locale de personnes pratiquant l’IEF, mais la majeure partie d’entre eux fait appel à des tuteurs qui prennent en charge l’instruction des enfants sur un emploi du temps établi. Ces enfants sont donc « en temps scolaire » une partie de la journée avec des profs. Du coup, je n’ai pas encore réussi à trouver des copains avec parents pour faire des sorties et des musées comme je faisais régulièrement en France. C’est un manque et un inconvénient majeur, mais je ne désespère pas, en attendant nous avons des activités tous les jours avec d’autres copains.

Le système scolaire publique gratuit est considéré comme faible et donc les Mauriciens qui le peuvent mettent souvent leurs enfants dans des écoles privées qui sont pour beaucoup un business. Ces écoles coûtent très cher (environ un demi-salaire mauricien par enfant), mais dans les horaires sont compris des tas d’activités différentes, ce qui limite les activités extra scolaires et donc les opportunités pour mes enfants instruits en famille. Il existe aussi une palette d’écoles alternatives parmi ces structures privées. À l’image du pays où les langues sont différentes, mais traitées de manière égale, les religions et les gens le sont aussi de même que les façons d’apprendre et il existe des tas d’écoles différentes. De plus, le système scolaire est scindé entre deux types d’établissements : ceux qui se calent sur le système anglais et ceux qui travaillent selon le système français ; ce qui multiplie encore l’offre éducative à Maurice.

L’absence de réglementions sur l’IEF est vraiment très agréable, ce que je n’imaginais pas par contre c’est la complexité à trouver des ressources qui correspondent plus ou moins à ce que nous aimons et la difficulté de connecter avec les homeschoolers. Le premier point est du à la situation géographique de Maurice, car presque tout est importé : le fret maritime ayant décuplé ces 2/3 dernières années, les prix sont élevés et les produits limités en termes de variété. Ici c’est très fréquent de devoir faire un magasin pour un article et un autre lieu pour trouver autre chose. Je n’ai donc pas encore trouvé toutes les bonnes adresses, même si j’ai la chance d’avoir une amie ici qui a fait l’IEF en France et qui connaît déjà pas mal de bonnes adresses.

Musée de l'esclavage île maurice
Au musée de l’esclavage

Est-ce ce qu’il y a de grandes différences entre être une famille nombreuse en France et à l’île Maurice ?

Les familles XXL sont vraiment rares à Maurice (j’en ai rencontré une seule, des expatriés). Étant donné le prix des écoles et le prix de la vie, les familles nombreuses se font de plus en plus rares (selon mon enquête perso). Nous sommes un peu des extra terrestres ici. Cependant lors de nos rencontres, il y a toujours beaucoup de sympathie et je remarque que la population aime beaucoup les enfants qui en font partie intégrante. Je n’ai pas eu une seule remarque sur comment je pouvais m’épanouir avec autant d’enfants comme j’ai pu l’entendre de nombreuses fois en France. Au contraire, la majeure partie me félicite sur le fait qu’il doit y avoir beaucoup de joie chez moi et personne ne va me faire remarquer avec tristesse que je n’ai pas fait de carrière (c’est d’ailleurs une affirmation qui se discute).
Lors de nos balades par exemple, la grande majorité des gens s’arrêtent, discutent avec les enfants, leur font « coucou » depuis leur voiture, les observent, discutent sur la plage, s’arrêtent pour leur poser des questions. Il y a certes une curiosité, mais pleine de bienveillance. Nous avons une fille très très blonde aux yeux bleus et il faut dire qu’elle tranche pas mal ici et vraiment beaucoup de Mauriciens s’arrêtent pour lui parler ou la regarder et semblent amusés et attendris par ses boucles blondes et sa peau claire.
Pour les courses alimentaires, les magasins ne sont pas « familles nombreuses friendly ». Il n’existe pas de format XXL ni même XL (à part le riz), pas de drive pour me soulager quand je prends 10 paquets du même produit par exemple. Au quotidien, c’est plus compliqué qu’en France d’être famille nombreuse, quand je vais au marché pour mes fruits et légumes, il n’est pas rare qu’on me demande si j’ai un restaurant (j’ai 3 cabas remplis) ! Je dois faire mes courses en plusieurs allers/ retour ou j’emmène un enfant pour avoir un second caddie. À chaque fois qu’on va au restaurant, c’est compliqué pour les serveurs qui se trompent au moins dans un plat commandé, les papiers administratifs sont très longs et souvent pas la place pour tous les enfants (en France aussi, ça arrivait), nous ne rentrons jamais dans les cases pour presque tout et devons à chaque fois contacter par téléphone pour s’inscrire, avoir un rendez-vous, une information…
Mais voilà, à côté de cela les Mauriciens ont un cœur pour les enfants et la jeunesse, à chaque fois la tendresse s’entend dans leurs mots, la bienveillance est presque palpable. Ici, nous sommes invités avec tous nos enfants bien plus souvent qu’en France. Quand je pose la question sur qui est invité chez nous précisément, la question surprend tant elle semble inappropriée : « tous les 10, bien sûr ! » comme si c’était une évidence.

Jardin pamplemousse
Au jardin pamplemousse

Merci à Naomi d’avoir pris le temps de partager avec nous son quotidien en IEF à l’île Maurice. N’hésitez pas à vous abonner à ses réseaux pour la suivre dans cette expatriation : son compte YouTube, sa page Instagram. Par ailleurs, depuis le premier août 2023, elle accompagne les gens dans leur parcours de vie. Son site professionnel : Naomi.coach.

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