Bilan d’une année de club lecture

J’ai animé beaucoup de clubs lecture, avec des enfants de différentes tranches d’âge et milieux. J’ai aussi participé à plusieurs clubs lecture comme simple lectrice (au collège) ou dans le cadre d’un jury (en post-bac). J’adore ça mais il y a des contextes parfois plus stimulants que d’autres. Cette année, c’était vraiment génial et j’ai envie de faire un petit bilan, pour garder une trace de ce que nous avons lu ensemble.

Pour en savoir plus sur le contexte : mon article sur comment animer un club lecture.

Un groupe très hétérogène

Le groupe avait une apparente homogénéité (de 9 à 12 ans, instruits en famille, deux filles, deux garçons). Pourtant, c’est le groupe le plus hétérogène que j’ai eu. Personne ne lisait la même chose, personne ne s’intéressait aux mêmes sujets.
J’ai d’abord eu peur, car lorsqu’un enfant présentait sa lecture, les autres ne l’écoutaient que d’une oreille (au dernier rendez-vous, l’un d’entre eux a baillé en disant clairement « je m’ennuie », certains préfèrent donc parler qu’écouter). Et là où un véritable trafic de livres s’opéraient à la fin des rendez-vous du club précédent (qui a pris fin il y a trois ans environ), personne n’avait jamais envie de lire les livres présentés par les autres…

Le trafic de livre n’a jamais eu lieu, mais progressivement ils ont fait connaissance et ils ont pris en considération certains conseils.

Bilan du club lecture avec des titres très divers

Des discussions riches sur les lectures communes

Là où c’est devenu vraiment intéressant, c’était lors des lectures communes (élues entre deux livres que je présentais rapidement).
Nous avons lu et échangé sur
L’école est finie, d’Yves Grevet : une dystopie
Mandela l’Africain multicolore, d’Alain Serrez et Zaü : un album biographique
Pépites, de Marion Bonneau : une pièce de théâtre
– un recueil au choix de Prévert : de la poésie

Pour vous donner une idée, lors de la discussion sur l’album dédié à Mandela, il y a celle qui était touchée par son combat et l’injustice que vivaient les noirs en Afrique du Sud, celle qui se concentrait sur les choix graphiques, celui qui avait écouté un documentaire sur le sujet avant de venir, celui qui s’était attaché aux années qui passent dans un livre si court.
Chaque discussion était riche car personne n’avait vu la même chose et que dès que quelqu’un ouvrait la bouche, il apportait une perspective unique. Il est vrai que je prépare uniquement des questions ouvertes, mais quand tout le monde est d’accord, c’est un peu moins… intéressant.

J’ai aimé que certains osent dire « je n’ai pas du tout aimé Prévert » ou encore « je ne pense pas que je relirai de la poésie un jour ». Toujours sur le thème de la poésie, j’ai été touchée que plusieurs se lèvent pour lire des poèmes et que la compréhension de certains textes ne soient possibles qu’avec les connaissances des uns et des autres.

Pièce de théâtre PépitesVoici quelques questions que j’avais préparées (pour vous donner une idée mais il y a aussi beaucoup d’échanges libres) :
– Est-ce que le narrateur aurait du s’enfuir avec Lila ? (pour l’école est finie)
– Si vous étiez l’éditeur, que demanderiez-vous à l’auteur/illustrateur de changer ?
– Quel serait le mot parfait pour désigner ce livre ? (pour Pépites puisque le titre est un seul mot)
– Comment avez-vous lu le recueil de poèmes (en picorant, de la première à la dernière page, en une seule fois, etc) ?

Ma principale mission : proposer des lectures qui conviennent à tous

Stimulant n’est pas synonyme de facile.

Ainsi, il y avait moins de différences d’âges dans ce groupe que dans le précédent mais l’approche de la lecture était très variée. J’ai parlé des centres d’intérêt précédemment, là je parle du regard que l’on pose sur un livre.
Pour moi, tout livre est bon à présenter aux autres tant qu’on a envie d’en parler. Cela peut être un album, un documentaire, un manga, un roman. Cependant, certains étaient très intimidés par les romans présentés par d’autres au premier rendez-vous. L’idée de lire sans image semblait une mission désagréable pour quelques enfants.

L'école est finie mini SyrosDans mon esprit, pour que cela se passe bien, la lecture commune doit pouvoir être lu par tous, que ce soit celui qui ne lit pas de roman ou celui qui lit 500 pages en quelques jours.
Je parle ici de « pouvoir lire » en termes de compétences et pas juste de plaisir. Les mots, le texte, la structure du livre ne doivent pas empêcher la lecture commune. Je tente de faire au mieux pour ne dégoûter personne des livres. Les gros lecteurs ne doivent pas non plus avoir l’impression que ce n’est pas pour eux car « trop facile » ou « trop enfantin ».
J’ai lu une dizaine de pièces de théâtre pour trouver deux textes de qualité (puisqu’ils doivent choisir et voter, j’en propose deux, on en lit qu’un) avec des histoires propices à la discussion et qui pouvaient les toucher. Il en allait de même sur les albums biographiques pour que les textes ne soient pas trop courts ou les images trop « bébé ».
Ce n’est pas un hasard si notre première lecture était un petit roman des éditions Syros avec 80 pages et un découpage en chapitre et si le texte suivant était un album. Mais surtout, le premier permettait de parler de politique, d’instruction, de dystopie, tandis que le second se concentrait sur le militantisme et les actions violentes ainsi que sur le racisme.

Nous allons faire une pause de deux mois. J’espère retrouver les enfants en question en septembre, mais je me demande déjà comment je vais gérer les lectures communes. Je sais que je vais régulièrement penser à eux dans chaque librairie que je vais croiser cet été. Car j’ai aussi hâte de les écouter de nouveau échanger et débattre !

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