La semaine dernière, nous publions la première partie du témoignage de Mathilde. Son récit se concentrait sur les premières années à l’école et sur le choix de finalement faire l’instruction en famille. Il y était également question de l’aspect juridique, avec l’obligation en France de demander l’autorisation pour ne pas scolariser.
Cette semaine, la seconde partie se concentre strictement sur l’instruction en famille, ce que les enfants (et les parents) y gagnent, les objectifs de vie, le fil rouge dans cette aventure.
Lire la première partie du témoignage de Mathilde
Les photos nous ont été envoyées par Mathilde qui en conserve le copyright.
Ce type d’instruction est encore récent pour vous, mais quels changements cela a-t-il provoqué dans le comportement et l’épanouissement des enfants ?
Il s’agit donc de notre première année d’IEF et les enfants sont à la maison depuis le mois de juillet. Nous pouvons donc dire que cela fait 4 mois et les changements sont pourtant déjà visibles.
Pour les deux aînés qui ont connu l’école auparavant, le premier constat fut la réduction de la fatigue. Ce qui n’est pas négligeable sur l’instruction avec une meilleure capacité de concentration, une meilleure humeur, une meilleure gestion des émotions, une meilleure co-entente. Il y a un vrai respect de leur rythme biologique et ça se ressent pleinement au quotidien.
J’ai aussi l’impression de retrouver mes enfants dans leur entièreté, avec leur personnalité, et cela fait beaucoup de bien à voir.
On a aussi tiré comme bénéfice une liberté, à plusieurs niveaux. Une liberté de choisir nos supports pour l’instruction ou encore dans notre organisation, ainsi je m’adapte au niveau, à la temporalité et aux difficultés de chacun. Il m’arrive ainsi de rester plusieurs jours sur la même notion, à multiplier les supports afin d’aider au mieux pour réussir la mission qui est de comprendre la notion, sans passer à la suivante, ce qui n’aurait aucune logique à mon sens. Tout comme, je n’hésite pas à approfondir et aborder des leçons d’un « niveau supérieur », quand au contraire, une notion a été acquise et attire leur attention. Nous avons aussi la liberté de l’organisation, d’étudier une matière un jour et une autre un autre jour, tout en suivant évidemment un programme, pour être dans les temps à la fin de l’année, l’idée n’est pas de les défavoriser, mais de les suivre.
Nous sommes aussi libres de voyager quand nous le souhaitons et non au moment des vacances scolaires, ce qui nous permet de nous organiser selon les saisons, les envies, et de voyager beaucoup plus.
Nous avons donc organisé des week-end à venir en fonction de ce qu’on étudie par exemple, des journées pédagogiques mais sympathiques, il n’est pas rare que nous prenions le train, pour aller au musée par exemple. Nous sortons en forêt, nous allons faire du vélo dès qu’il y a un rayon de soleil, quand on veut…
Nous passons aussi beaucoup plus de temps de qualité ensemble, fini la course, fini le temps où on allait les chercher au périscolaire à 17h45, pour être rentrés à 18h30, faire le bain, les devoirs, le repas et dodo, l’enfer ! C’est quelque chose que nous vivions très mal au quotidien. Maintenant, tout le quotidien est partagé, il y a cette reconnexion, cette logique, ce lien familial qui est omniprésent et renforce nos liens à tous les 5.
Ils sont présents pour le jardinage, pour le bricolage, pour aller acheter le pain, pour aller faire les courses, pour faire de la couture, pour gérer les tracas du quotidien, et d’eux-mêmes ont envie d’aider, pour apporter le bois pour le feu, nourrir les animaux, passer l’aspirateur, vider le lave-vaisselle. On est une vraie équipe et c’est formidable. Avant on n’avait pas le temps, fallait aller à l’essentiel et être rapide et efficace, maintenant tout est au ralenti, et cela permet un vrai échange, une vraie transmission de savoir.
Le dernier point aussi, que je mets en avant, c’est l’absence de concurrence. J’essaie de favoriser l’entre-aide, je ne mets pas de note, sauf pour leur rallye lecture. Et j’ai remarqué que ma plus grande se met moins de pression, il est évident que je ne veux pas de travail bâclé, ou l’absence d’efforts, mais je leur répète que ce que je veux surtout c’est qu’ils aient compris pour le mettre en application à l’avenir, peu importe le temps, les fautes. S’il y a faute c’est matière à discuter pour comprendre pourquoi, apporter les réponses, les explications, et recommencer. Ainsi je ne mets pas de notes, seulement des vignettes d’encouragements, de félicitations, pour valoriser le travail, et encore plus quand ils ont fourni des efforts de compréhension.
Peux-tu nous dire ce qui est le plus important pour toi dans l’instruction en famille que tu proposes à tes enfants ? Quelles grandes idées te permettent de prendre tes décisions ? Y-a-t-il un pédagogue ou une pédagogique qui t’inspire ?
Le plus important pour moi dans l’instruction en famille est le respect et l’épanouissement de mes enfants. J’aimerais avoir la garantie que plus tard, ils me remercieront de leur enfance, et qu’ils seront des adultes plein de rêves, d’ambition, heureux, épanouis, respectables et respectueux.
À travers ce type d’instruction, je veux leur donner confiance, en eux d’abord, puis en la vie. Je veux qu’ils comprennent aussi qu’un sujet peut être passionnant même si au départ il n’est pas présenté comme tel, qu’il suffit d’aller chercher ailleurs, de réfléchir différemment, d’aborder autrement, et que chaque sujet peut alors devenir une mine d’or de connaissances et que ça pourra potentiellement leur servir un jour.
Je n’ai pas opté pour une pédagogie en particulier, j’ai lu beaucoup, dont les livres sur la pédagogie Mason en l’occurrence, mais j’ai aussi des livres sur la pédagogie Montessori, tout comme du matériel. J’opte pour une pédagogie adaptée à chacun, je vois ce qui fonctionne et ce qui ne prend pas. J’ai encore beaucoup à apprendre, pleins de livres que j’ai acheté à lire, mais finalement, je me rends compte que certaines choses que j’ai mises en place, font partie de telle ou telle pédagogie sans le savoir. J’ai cette impression, que quand un parent s’intéresse à l’instruction de son enfant, ça va de soi, sans le savoir, le plan s’intègre forcément à une pédagogie selon nos valeurs et notre façon d’instruire.
Je suis donc de la pédagogie adaptative, et aussi beaucoup par le jeu et les mises en pratique au quotidien. Les sciences peuvent facilement s’acquérir en jardinant ; pleins de notions sont abordées, comme l’écologie, le compostage, la permaculture, la météo, les semis… ou avec nos balades en forêt, de par l’observation de la nature, des insectes, des végétaux, des arbres, du soleil, de la lune, de la nuit, du cycle des saisons…
Je les laisse se passionner, tant pis si ça ne rentre pas dans le programme, le tout est d’apprendre à apprendre, à aimer, à s’inspirer, à tester. Et comme je l’ai dit précédemment, je ne « note » pas, les erreurs sont nos pistes pour mieux étayer une leçon, il n’y aucune fatalité à rater ou à ne pas comprendre. Je pense être encore un peu « scolaire », par exemple pour le français ou on fait beaucoup de traces écrites, mais à côté de ça, ma grande a crée un carnet de lecture où elle met son avis, le résumé, les infos du livre. C’est donc quelque chose qu’elle fait avec plaisir, duquel elle tire des apprentissages dont elle ne se rend pas compte. (Elle apprend à faire un résumé, à étayer ses propos, nous travaillons la grammaire et l’orthographe en corrigeant les fautes…).
En géographie aussi j’ai des traces écrites, mais à coté de ça, j’essaie de passer par des jeux, comme Les aventuriers du rail, par nos balades pour aller voir une écluse, un barrage, un champs, une ferme.. Je suis scolaire vis à vis des écrits, mais je prône la qualité et le concret, c’est pourquoi j’organise pour les prochains mois pleins d’activités en fonction de nos leçons. Par exemple, on a visité la grotte de Lascaux, quand on étudiait la Préhistoire, puis on ira au Musée de l’Homme. On visitera une déchèterie quand on étudiera le recyclage et on rend visite à des entreprise de savoir-faire pour comprendre l’artisanat.
Comme c’est notre première année, je suis persuadée que tout va évoluer, au fil du temps, des inspirations, des enfants, de leur évolution.
Ma mission première que j’ai cité est leur épanouissement et mon fil rouge est leur permettre d’apprendre avec plaisir.
On critique souvent l’IEF et les voyages (que vous effectuez régulièrement) comme étant des freins à la socialisation. Comment ça se passe pour maintenir/créer du lien avec d’autres enfants ?
Les voyages c’est l’école de la vie ! Et cela ne constitue absolument pas un frein à la socialisation, bien au contraire. J’ai vu mes enfants jouer et échanger avec des inconnus à l’étranger bien plus facilement qu’en France. Nous ne partons pas non plus sur de grandes périodes, bien que l’idée de faire un tour du monde nous a beaucoup travaillé pendant un temps. Les voyages leur apprennent justement tellement de choses sur les relations humaines, les modes de vie, ce qui amène beaucoup de questions et beaucoup d’échanges. Par ailleurs, quand nous ne voyageons pas, ils sont inscrits à plusieurs activité, cela me tenait à cœur, qu’ils puissent découvrir des activités, pour lesquelles je n’ai pas les connaissances, qu’ils aient aussi leur espace, leur temps rien qu’à eux et, de ce fait, leurs amis. On gagne beaucoup de temps à faire l’IEF donc je leur offre cette possibilité de faire plus d’activités, comme un sport, la pratique d’un instrument, des cours de dessin… Je trouve essentiel qu’ils pratiquent une activité sportive, justement pour être confronté à l’autre, que se soit contre un adversaire, ou d’être en équipe, afin d’apprendre qu’il existe d’autres règles ailleurs, et d’avoir des interactions sociales autres qu’amicales.
Avez-vous en tête une date de « fin » pour l’instruction en famille ? Un projet de scolarisation ?
Une date de fin ? Oui, nous y avons pensé plein de fois et cela ne fait qu’évoluer et changer ! Jamais ?! Non, en vrai, au départ nous nous étions dit, en 4ème, ils y retournent, puis finalement avec du recul, nous ne pensons plus que se soit la meilleure période de la vie d’un adolescent, pour replonger dans la vie scolaire aussi brutalement, donc nous sommes plutôt pour une reprise avec le lycée, aussi parce qu’on se dit que nous n’aurons plus le niveau pour les accompagner…
On a aussi prévenu les enfants, qu’à leur demande, nous serions ouverts à la discussion pour un retour scolaire. Nous ne voulons pas fermer les portes que se soit dans un sens comme dans l’autre. Après tout ça, ce ne sont que des suppositions, il y a encore des années, je ne comprenais pas les gens qui faisaient l’IEF. Je retiens donc de ne jamais dire jamais ! L’avenir nous le dira et ce sera avec plaisir que je partagerai à nouveau notre aventure d’IEF !
Un mot pour finir ?
J’ai évoqué (dans la première partie) le diagnostic de HPI (Haut Potentiel Intellectuel) de ma grande et sur l’hypersensibilité qui va souvent avec. Depuis l’IEF, elle s’épanouit sur les apprentissages, car elle adore apprendre et je ne la freine pas, sauf quand je dois aller faire à manger, car j’aurais parfois du mal à suivre ! J’ai beaucoup investi, dans les livres notamment et les activités, pour lui apporter ce qui l’anime. J’investis beaucoup de temps aussi évidemment, mais je vois déjà une amélioration. Par contre j’apprends tous les jours. J’apprends à travailler avec elle et ce n’est pas simple, car elle est dans cette démarche de perfectionnisme, qui lui a fait tant de mal au moment de l’école, donc mon approche a été de valoriser sans mettre de notes comme je le disais et ça a l’air de porter ses fruits. J’ai encore beaucoup à me documenter dessus, je ne prétends vraiment pas avoir la bonne méthode, ni que l’IEF serait la solution. Ça l’est pour le moment pour elle.
De plus, les enfants à HPI ont souvent un décalage entre leur âge intellectuel et leur âge que j’appelle « émotionnel », elle est autant en retard qu’elle est en avance sur les apprentissages. Depuis toute petite, je suis dans cette démarche de toujours tout expliquer, elle ne supporte pas de ne pas comprendre, et encore moins de voir de l’injustice.
Ma dernière a déjà tous les « signes », elle est donc officiellement en PS, mais je travaille déjà des notions de GS. Je pense que le HPI est quelque chose qui existe depuis toujours, mais à laquelle on ne prêtait pas attention. Il y avait ceux qui tiraient leur épingle du jeu et les autres, en souffrance, soit en échec scolaire, soit en souffrance psychologique.
L’IEF nous convient aussi, car si la question se posait de les inscrire dans une classe d’un niveau supérieur, j’aurais refusé, car immature et déjà en souffrance liée à tout ça, je n’aurais donc pas voulu aggraver le cas ! Mais l’IEF permet d’aborder des notions de niveau supérieur, sans soucis et sans retentissement.
Merci beaucoup Mathilde d’avoir pris le temps de répondre à nos questions et de partager ainsi ton expérience !