Témoignage : l’IEF, la pédagogie Montessori et la vie en camion

En récoltant le témoignage d’Alice sur l’IEF, la pédagogie Montessori et même la vie en camion, j’ai enfin pu poser certaines questions que j’avais depuis longtemps.
Nous sommes loin ici des témoignages sur l’instruction en voyage que nous avons publiés il y a quelques semaines, car la différence est dans l’approche que chacun a de son projet. Tandis que pour les personnes qui partent en tour du monde l’essentiel est le voyage et l’instruction un détail organisationnel, pour Alice, l’instruction est un choix de parentalité qui s’est construit avant même la découverte de la pédagogie développée par Maria Montessori et avant de s’installer dans un camion pour partir découvrir l’Europe et l’Asie.

Mais je vous laisse lire ses propres mots sur sa vision et sa pratique de l’instruction en famille. Toutes les photos m’ont été envoyées par Alice.

émoignage IEF et vie en camion

Bonjour Alice, peux-tu nous présenter ta famille et votre mode de vie actuel ?
Avec plaisir !
Donc tu l’as compris moi c’est Alice, j’ai 34 ans, je suis formatrice et éducatrice Montessori. Je suis mariée à Franck, 39 ans, menuisier et nous avons 2 adorables filles : Céleste qui a 6 ans et demi et Rose qui a 5 ans.
Actuellement nous sommes un peu entre 2 chaises si je puis dire, nous sommes en transition entre la maison et le camion, nous vivons sur notre terrain dans notre camping-car, le temps de vendre la maison et d’aménager le camion pour partir en tour du monde et surtout en vie nomade puisqu’on ne prévoit pas de retour avant très longtemps. Durant ce long voyage, nous avons pleins de projets, notamment la réalisation de plusieurs documentaires autour de l’éducation et nous partageons évidemment des vidéos de notre aménagement et de notre périple sur notre chaîne YouTube Esprit Terre et sur notre blog.

Dès les premières réflexions sur votre vision de la parentalité, vous saviez que vous ne souhaitiez pas scolariser vos enfants pendant les premières années. C’est en te renseignant sur le sujet que tu as découvert ce que l’on nomme la pédagogie Montessori. Peux-tu nous présenter brièvement cette pédagogie et surtout, nous dire ce qui t’a le plus séduit ?
Pour faire simple, sinon je me connais je vais vous faire une conférence d’une heure (rire), la pédagogie Montessori c’est l’apprentissage par la manipulation de matériels. C’est-à-dire que n’importe quel sujet, n’importe quelle matière (maths, français, histoire…) passe par la manipulation d’un matériel précisément adapté, ainsi l’enfant, en manipulant le matériel, va apprendre une notion concrètement avant de l’intégrer abstraitement. Par exemple 3 + 2 = 5 tu vas poser 3 bâtons + 2 bâtons et tu pourras te rendre compte concrètement que ça fait 5.
Je prends un exemple très basique mais on peut pousser sur des notions beaucoup plus abstraites comme a² + b² = c² ou les fractions…. Le matériel Montessori de maths est pour moi le plus emblématique. C’est aussi du coup mon matériel préféré puisqu’il m’a réconcilié avec les maths et plus particulièrement les multiplications et les divisions.

IEF et pédagogie Montessori

Suite à ta formation et à un premier emploi dans un établissement Montessori, tu as finalement ouvert une micro-école hors contrat pour tes filles et trois autres élèves. Pourquoi ce choix plutôt que l’instruction en famille directement ?
Je vais être honnête, c’est principalement pour des raisons financières : avec le crédit maison qu’on avait, je ne pouvais pas ne pas travailler, mais il était hors de question que je travaille ailleurs qu’à la maison, je n’ai jamais été faite pour ça ou pour avoir un patron. Et puis ouvrir une école me permettait d’avoir d’autres élèves pour partager cette pédagogie : d’un, ça faisait des copains pour les filles (même si elles en ont plein en dehors de l’école) et de deux, je suis quelqu’un de profondément altruiste et j’aime énormément partager alors c’est venu tout naturellement.

Aujourd’hui, vous vivez tous les quatre dans un camion et les filles sont instruites en famille. Est-il possible, dans un tel cadre, de poursuivre une instruction fidèle aux grandes idées de Maria Montessori ?
Effectivement, vivre dans un camion demande beaucoup d’adaptation et je crois que ça a été le tri le plus difficile pour moi : me séparer de la plus grande partie de mon matériel Montessori. On passe d’une maison de 100m² à un camion de 15m² . donc évidemment il y a un sacré tri à faire. Mon matériel à lui seul occupait une pièce de 10m² …. Sachant qu’il faut aussi caser le reste dans le camion (vaisselle, vêtements, jeux….), il a bien fallu couper sec.
J’ai donc gardé le matériel Montessori le plus nécessaire et important à mes yeux. Après te dire si on peut vraiment rester dans l’esprit de la pédagogie, je te dirais reviens me poser la question l’année prochaine (rire). Pour l’instant, je dirais « je pense mais ça dépend des enfants ».
Céleste aime beaucoup le matériel et le travail concret et formel, Rose est plus dans l’informel, ce qui me complique les choses parce que ça me fait double travail : ce qui fonctionne pour l’une ne fonctionne pas pour l’autre, je dois m’adapter mais je reste sereine.

IEF, pédagogie Montessori et vie en van

Quelle organisation avez-vous mis en place pour trouver un équilibre instruction, travail et vie quotidienne ?
Je n’ai pas vraiment d’organisation préétablie juste qu’en général on travaille « formellement » 2h le matin, le reste de la journée est réservée à l’extérieur, aux activités, au bricolage ou à ce qu’elles ont envie. Il arrive parfois qu’on ne travaille pas du tout quelques jours, où qu’elle demande à travailler toute la journée. On ne tient pas compte des vacances scolaires, juste des week-ends. Je n’ai aucune pression par rapport aux apprentissages ou à la maîtrise du socle commun attendu à 16 ans. Je suis très sereine dans nos choix et dans la manière de procéder (c’est un sacré travail sur moi qui suis une traumatisée ou presque de l’école) contrairement à Franck qui lui est beaucoup plus stressé de ce côté-là. Pour lui c’est encore le drame si on passe 3 jours d’affilé à jouer (rire).

L’esprit Montessori semble beaucoup reposer sur le « groupe », c’est à dire sur les interactions entre les enfants. Certains considèrent donc qu’il est impossible de faire de la pédagogie Montessori en IEF. Qu’en penses-tu ?
Je ne pense pas du tout, du moins jusqu’à un certain point. Déjà l’idée de travail en groupe ne vient aux enfants que vers 7 ans, c’est pourquoi on le propose beaucoup dans une ambiance Montessori 6-12 ans et moins dans une ambiance 3-6 ans. Dans une classe, il y a bien sur l’émulation de groupe qui effectivement entraîne 2 comportements : un petit peut être boosté dans ses apprentissages en voyant ce qu’un grand est capable de faire et un grand peut se sentir valorisé lorsqu’il transmet un savoir à un petit.
Et c’est exactement ce qu’il se passe avec les filles puisque Céleste transmet son savoir à Rose et que Rose a très envie de faire comme Céleste.
Il n’y a pas besoin d’avoir un groupe de 30 élèves pour avoir cette émulsion. Alors on pourrait dire que Céleste est lésée dans le sens où elle n’a pas de plus grand qu’elle pour la booster mais c’est sans compter les copains. Sa meilleure amie a 10 ans, et on se voit très régulièrement ce qui fait qu’elle effectue une sorte de mise à jour à son contact.
C’est sans compter non plus sur l’interaction avec tous les enfants en IEF ou de voyageurs que l’on rencontre au fil du temps. Eux aussi participent à leur manière à cette interaction même si parfois on ne se rencontre qu’une seule fois.

Et puis depuis tout à l’heure on ne parle que des enfants, mais les adultes aussi jouent un rôle dans les apprentissages, l’émulsion et les échanges. Eux aussi apportent de l’eau au moulin des filles puisque elles vont facilement vers les gens que l’on rencontre. Elles sont peu timides, observatrices oui, mais pas timide.

Voici trois exemples pour illustrer mes propos. Il n’y a pas longtemps nous sommes allés chez un ami que l’on ne voit pas très souvent, elles n’ont eu aucun problème à aller jardiner, voir les poules et apprendre des choses avec lui comme si nous n’étions pas là et à lui poser des questions.
Alors tu vas me dire « oui, mais c’est un ami, elles le connaissent… ».

Exemple 2 : en octobre dernier nous sommes allés au Salon du Véhicule d’Aventure de Clermont-Ferrand où nous avons fait la connaissance de familles de voyageurs dont les here we are, les road as6 et les vadrouilleurs for rêveur. Et bien nous n’avons pas vu les filles du week-end ! Je n’ai jamais eu autant confiance pour lâcher la surveillance des filles ! Tout ce petit groupe d’enfants de tous âges était ensemble tout le week-end, les grands prenant soin des petits… (évidemment on contrôlait de temps en temps) mais c’était vraiment impressionnant, on aurait dit qu’ils s’étaient toujours connus !

Exemple 3 : pendant le confinement nous avons apporté notre aide à un voyageur en le laissant se garer sur notre terrain, il a dû rester une semaine et demie, les filles n’ont pas hésité à échanger avec lui, à lui tenir la main pendant une ballade autour de la maison. Ce n’est pas de l’inconscience de notre part de les laisser faire ça, c’est plutôt une confiance en elles et en leurs ressenti par rapport à un étranger. Il y a évidemment notre ressenti à nous et la confiance que l’on peut accorder (même si on ne les aurait pas laissées seules avec lui mais en notre présence pas de soucis)

En tant qu’éducatrice Montessori, tu travailles en lien avec les adultes en leur proposant des formations. À qui s’adresse la formation que tu as développée, où se déroule-t-elle, qu’y apprend-on ?
Comme je l’ai déjà dit, j’aime beaucoup partager et échanger, aller vers l’autre et aider. Je suis quelqu’un de très altruiste. Avec nos choix de vie, je peux beaucoup moins m’occuper des enfants comme je le faisais avec l’école ou les associations dont je faisais partie. C’est pourquoi dans le souci de cette continuité j’ai décidé de partager mon expérience avec les adultes en les formant à la pédagogie Montessori afin qu’ils puissent à leur tour la mettre en pratique avec les enfants.
Il faut dire que ce genre de formation coûte excessivement cher (si on veut passer par un organisme reconnu, il faut compter aux alentours de 10 000€ la formation)
Durant mes ateliers Montessori, j’ai pu échanger avec beaucoup de parents et de professionnels de l’enfance qui aurait aimé se former mais qui n’ont pas pu faute de moyens.
On comprend tous qu’une assistante maternelle gagnant 2,50€ de l’heure ne peut pas se permettre cette dépense. Le calcul est vite fait.
C’est pour cela que j’ai créé ma formation en ligne afin de permettre à tous ceux qui souhaitent apprendre à pratiquer la pédagogie Montessori de pouvoir se former à petit prix.
Et ce n’est pas parce qu’elle défie toute concurrence au niveau des tarifs, qu’il faut la cataloguer en bas de gamme (ce qui m’est déjà arrivé) au contraire elle est très complète et je l’ai élaborée avec une collègue qui a 8 ans d’expérience et qui a pu se former dans un centre reconnu.
C’est une formation en ligne mais tellement détaillée qu’une fois devant le matériel on sait facilement ce que l’on a à faire.
La formation est constituée de 7 modules représentants les différentes aires selon Maria Montessori (les bases de la pédagogie, la vie pratique, la vie sensorielle, les maths, le langage, les sciences et l’histoire/géographie). Dans chaque module, on apprend comment manipuler le matériel, à savoir à quel moment le présenter à l’enfant, dans quel ordre…
Je peux aussi, à la demande et en le programmant à l’avance, organiser des sessions de formation en présentiel n’importe où en France. Jusqu’ici je n’ai eu aucun retour négatif.

Merci beaucoup Alice pour ton temps et de tes réponses. Je vous souhaite une belle découverte du monde en van. Et si ta réflexion évolue sur l’instruction en famille en van et la pédagogie Montessori, reviens vers nous pour une nouvelle interview 😉
Si vous aussi souhaitez témoigner de votre vision et de votre quotidien de l’instruction en famille, n’hésitez pas à nous contacter.

2 réponses sur “Témoignage : l’IEF, la pédagogie Montessori et la vie en camion”

  1. Article interessant. Le site de la formation ne semble plus exister. J’aurais voulu m’y inscrire.
    Petite coquille en fin de texte (sessions au lieu de cessions y figurant)

    1. Bonjour,
      Merci pour ces remarques précieuses. La coquille a été corrigée et nous avons pris des nouvelles de la formation. Elle est en cours de transfert sur un nouveau site internet. Dès que c’est fait nous mettrons à jour le lien.
      Bonne journée

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