Témoignage : bénévole chez LED’A

Ces dernières années, les associations concernant l’instruction en famille se sont révélées essentielles pour défendre nos droits. Comme souvent, c’est lors de problèmes que l’on se rend compte de leur importance, mais peu importe, car on peut adhérer à tout moment. Il en existe différentes, avec des tendances et des idéaux différents. Pour vivre, elles ont toutes en commun d’avoir besoin de membres adhérents (qui paient leur cotisation, relaient les informations, participent aux évènements) et des membres actifs qui acceptent de donner un peu de leur temps.
Dans l’interview ci-dessous, nous vous proposons de rencontrer Marie, un pilier dans la communauté IEF des Hauts-de-France qui vient de prendre « sa retraite » de ses missions de bénévole chez LED’A.

Bonjour Marie, peux-tu te présenter brièvement ?
Marie Chardin, 51 ans, éducatrice, mariée depuis 25 ans, 3 enfants de 22, 20 et 17 ans.
Nous habitons à la campagne, dans un petit village de 300 habitants, mais dans un secteur où il y a beaucoup de familles IEF et énormément de choses à faire (tant au niveau culturel, qu’artistique ou sportif).
Nous avons vécu l’IEF depuis la naissance de notre aîné et ce pendant 20 ans.
Je suis membre active de l’association Les enfants d’abord (LED’A) depuis 15 ans, en tant que relais Hauts-de-France et pour d’autres missions (secrétariat national, équipe juridique, Groupe Facebook…).
J’étais présidente de l’association « TRUCS » (Tester, Réfléchir, Unschooler, Créer, S’amuser), que j’ai crée en 2017 et jusqu’à fin 2022. Il s’agit d’une association IEF, rassemblant les familles du secteur et pour lesquelles j’ai animé, pendant plusieurs années, des rencontres et des ateliers mensuels.
Je fais aussi partie du « Collectif IEF Hauts-de-France » et de la liste de discussion locale « Chtisnonscos » (qui rassemble environ 360 familles). [note de Mon autre reflet : c’est par ce biais qu’Yza fait des sorties et les présente sur le blog, comme la visite d’une ferme de spiruline]
Je renseigne et accompagne les familles qui en ont besoin, pour les Hauts-de-France.
Je ne suis plus concernée par l’IEF, car mon dernier qui a 17 ans est actuellement en terminale, en présentiel, au lycée.

Sortie IEF : visite d'une ferme de spiruline

Comment ta famille a-t-elle débuté l’instruction en famille ? Qu’est-ce qui vous a conduit à ce choix ?
C’est un choix de vie, que nous avons fait dès le départ, sans trop savoir combien de temps cela durerait…
Je suis tombée par hasard, en 2002, sur un site canadien parlant d’IEF, alors que je cherchais des infos pour mon filleul qui était gravement malade et qui avait besoin de cours à domicile : j’avais tapé « École à la maison » dans le moteur de recherche…
Cela m’a tout de suite « parlé » et je me suis retrouvée et projetée dans ce mode de vie.
J’en ai alors parlé à mon conjoint, qui a immédiatement adhéré et qui a même considéré, comme moi, que c’était finalement ce que nous faisions depuis la naissance de notre enfant, qui avait alors 2 ans.
En effet, pour nous l’IEF n’est pas uniquement un mode d’instruction, mais surtout un mode d’éducation et de vivre ensemble : un vrai mode de vie à part entière.
Nous voulions, certes, que notre enfant aille à son rythme pour tous ses apprentissages, mais nous souhaitions surtout profiter de notre vie avec lui, avoir du temps à partager ensemble, être proches, être libres et qu’il soit socialisé.
Effectivement, pour nous, l’école ne socialise pas, elle « oblige ».
Or, être socialisé, c’est savoir s’adapter, être ouvert aux autres, être coopératif et altruiste, être autonome et responsable, etc., ce qui ne s’apprend pas en étant forcé, mais en étant dans la vraie vie avec des modèles et des personnes de tous horizons et de tous âges : « il faut tout un village pour élever un enfant » (proverbe africain).
Ensuite, tout naturellement, nous avons poursuivi l’aventure, car c’en est une, avec nos autres enfants et nous leur avons toujours laissé le choix d’aller ou non à l’école.

Bénénvole chez LED'A - les sorties entre non-sco

À présent, tes enfants sont tous grands et ne sont plus en instruction en famille. Comment s’est terminé ce choix d’instruction pour eux ? Qu’ont-ils choisi de faire suite à ça ? (tu peux juste mettre des initiales si tu ne veux pas les nommer).
1/ Notre aîné, Guillaume, a souhaité aller au lycée pour « changer un peu » et a demandé à passer le brevet des collèges (pour voir ce que c’était et pour se « prouver » qu’il avait le même niveau que les autres).
Il l’a eu avec mention Bien et a souhaité entrer dans un lycée à options musique (il est musicien et était déjà en études musicales depuis plusieurs années).
Ce n’était pas notre lycée de secteur et il a fallu se battre, mais on a réussi.
Il s’est très bien intégré et a eu son Bac avec mention Bien, avant d’entrer en licence de musicologie. Il poursuit aujourd’hui des études musicales et pédagogiques, tout en étant professeur de musique et intervenant musical en médiathèques.

2/ Notre fille, Faustine, a suivi le même chemin, mais avec les options théâtre (dans le même lycée, où elle a pu entrer car son frère y était déjà).
Elle s’est très bien intégrée aussi et a eu son bac avec mention, avant d’entrer en licence Arts du spectacle. Elle a choisi un Master en culture et communication pour travailler dans les relations publiques au sein de théâtres et travaille au festival d’Avignon, chaque été depuis 3 ans, en plus de petits jobs ponctuels.

3/ Notre dernier, Philémon, a aussi souhaité aller au lycée, mais sans passer le DNB.
Finalement, il a changé d’avis et s’est inscrit pour le passer en candidat libre in extremis.
Il l’a eu avec mention Très bien et est entrée dans le lycée de secteur, où il boucle actuellement sa terminale.
Il entre en prépa ingénieur en septembre prochain.

Comment t’es-tu senti, lorsque ton rôle de parent instruisant a pris fin ?
Je me suis sentie fière de mes enfants et de leur réussite personnelle, de leur parcours.
Mais je me suis aussi sentie fière de moi, de nous, pour avoir pu les mener là.
L’IEF a toujours été pour nous un long fleuve tranquille, sans encombre en terme d’instruction, car nos enfants sont curieux, intéressés et matures.
Ils ont toujours appris des choses au fil de leurs centres d’intérêt et je savais mettre de l’eau à leur moulin, susciter de la curiosité ou des envies de savoir.
Mais il y a eu parfois des moments, où on se demandait si ça suffirait pour leur avenir, même en leur faisant confiance.
Or, au fil des années, ils ont montré leurs capacités à apprendre seuls, en autonomie et à savoir demander en cas de besoin et d’envie.
Le temps offert à sortir plusieurs fois par semaine pour des évènements culturels ou scientifiques et les journées passées avec d’autres de tous âges leur ont aussi permis d’ouvrir leur esprit et de développer leur discernement.
Le temps offert à être disponibles et aimants, bienveillants et à l’écoute, dans le dialogue et la transparence, leur a aussi permis de devenir eux-mêmes tournés vers les autres et a fait de notre famille un noyau uni et très fort.
Nous avons vécu quelques épreuves très difficiles, qui nous ont prouvé à quel point nous étions soudés.
Donc oui, je suis fière de moi aussi et de mon mari, pour avoir « réussi » à les aider à devenir ce qu’ils sont aujourd’hui.
Mais je me suis aussi sentie… un peu seule et désœuvrée…
Après 20 ans à vivre pour et avec eux, j’ai ressenti un vide en leur absence.
Heureusement, cela n’a été que de courte durée, car le « réservoir » d’amour, de confiance et de temps passé ensemble est tellement plein qu’il suffit à nous connecter tout le temps.
Et puis, je me suis engagée dans pas mal choses, même si je lève le pied aujourd’hui : je suis active en associations, mais aussi dans mon village, et je travaille à temps partiel : donc je ne m’ennuie pas !

Pendant des années, tu as été bénévole pour l’association LED’A. Qu’est-ce qui t’a incité à la rejoindre activement ?
Quand j’ai lu, sur ce site canadien, qu’on pouvait faire l’école à la maison, je me suis renseignée pour la France.
Et je suis tombée sur l’association LED’A, qui était une des rares assos à l’époque.
Ils nous ont aidés à nous lancer, nous ont conseillés et soutenus/accompagnés.
Au bout de 5 ans, répondant à un besoin, je me suis donc engagée pour aider un peu en retour.
Et je l’ai finalement fait pendant plus de 15 ans et de plus en plus…
« L’esprit » de LED’A, sa déclaration de philosophie et la vision des choses des familles déjà adhérentes, nous plaisaient et nous y adhérions.
Nous nous retrouvions dans ces modes de vie et d’apprentissages et c’est tout naturellement que nous avons adhéré, puis que j’ai souhaité participer à transmettre cet «esprit ».
Je viens tout juste de quitter toutes mes missions à LED’A et je quitterai celles pour les Hauts-de-France à la fin de l’année scolaire.
Mais, comme on dit, « IEF un jour, IEF toujours » !
Et je ne crois pas que je quitterai jamais définitivement ce « monde » merveilleux de la non-scolarité…

Sorties IEF Hauts de France

En tant que bénévole chez LED’A, tu as aidé de nombreuses familles. Était-ce également une expérience enrichissante pour toi, personnellement ?
Oui, bien sûr !
J’ai autant appris des autres que de moi-même.
J’ai « grandi » au fil des années, j’ai acquis de l’expérience, de la force, de l’assurance, des connaissances en droit, des habiletés en communication, des savoirs en informatiques et en réseaux sociaux (lol !), des capacités de remise en question, etc…
J’ai aussi fait grandir les compétences que j’avais déjà et j’ai aussi pu en transmettre.
Je pense laisser des traces de mon passage, en toute modestie, et c’est aussi enrichissant en termes d’estime de soi et de sentiment du « travail » bien accompli.

Tu t’apprêtes à prendre ta « retraite » vis à vis de l’association. Qu’as-tu envie de dire aux parents qui pourraient envisager de prendre ta relève chez LED’A ou ailleurs ?
Je leur dirais que chacun apporte des choses différentes, en fonction de sa personnalité et de ses compétences, ou même de son envie d’apprendre.
Mais surtout qu’il faut faire avec son cœur.
Que l’on donne 5 minutes ou 5h par jour, l’important est de donner avec authenticité et de ne s’engager qu’à hauteur de ce que l’on peut vraiment donner… pour bien le donner.
On peut se tromper et personne n’est parfait, mais si on fait les choses avec ferveur, c’est toujours porteur.
S’engager, un peu ou beaucoup, est très gratifiant et apporte beaucoup dans les deux sens.
Je dirais aussi : « n’ayez pas peur ».
Si vous vous engagez pour une cause qui vous tient à cœur, vous n’aurez pas l’impression que c’est lourd ou bien fatiguant. Vous aurez l’impression de faire des choses plaisantes et de les faire aussi pour vous-mêmes et vos enfants.
Essayez et vous verrez !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *