Il y a un gros flou dès que l’on parle de sport en instruction en famille (IEF). Il y a bien sûr ce que les inspecteurs et conseillers pédagogiques déclarent lors des rendez-vous : l’enfant doit faire un sport collectif / l’enfant doit être inscrit dans un club, ainsi que toutes les variantes autour de ces deux thèmes.
L’insistance sur l’inscription en club est formulée différemment suivant les académies. Ainsi, à Mulhouse, il y a la question du sport d’un côté et celle des opportunités pour passer du temps avec d’autres enfants de son âge de l’autre. L’avantage est qu’aller nager avec ses parents convient si l’enfant est aussi dans un club lecture…
Mais qu’en est-il en vrai ?
Le sport est-il obligatoire en IEF ?
Nous ne sommes pas tenus de suivre le socle et les programmes officiels, nous devons simplement permettre à l’enfant d’avoir vu l’ensemble des connaissances du socle commun à ses 16 ans. Alors j’ai été vérifié dans les programmes officiels.
Ce qui peut être contraignant concerne la natation. Il est bien écrit dans le cycle 3 que l’enfant, en fin de cycle, doit « valider l’attestation scolaire du savoir nager (ASSN), conformément à l’arrêté du 9 juillet 2015. »
Autrement, il doit apprendre à utiliser un chronomètre, à courir, sauter et lancer (on parle d’athlétisme je suppose mais en réalité ce n’est pas précisé, même si le lancer de petit frère n’est probablement pas accepté). En cycle 4, on ajoute des choses comme s’échauffer, co-arbitrer, être solidaire, etc.
Personnellement, avec ou sans l’éducation Nationale, je pense qu’apprendre à nager est essentiel car cela peut littéralement sauver des vies. Mais pour le reste, j’ai l’impression que beaucoup des compétences attendues peuvent s’acquérir dans une famille nombreuse, en jouant au jeu de rôle (assis autour d’une table donc) ou avec à peu près n’importe quel sport !
Mais tout ça peut être résumé par : oui, il faut faire du sport (au moins une fois avant ses 16 ans) selon les attentes du socle mais peu importe le sport et les conditions.
Quels sont les objectifs pédagogiques dans la pratique d’un sport ?
Je ne parle pas ici de ce que le commun des mortels pourrait avoir en tête, mais encore une fois des textes officiels de l’Éducation Nationale. J’ai eu la flemme et je me suis concentrée sur le cycle 3 mais je pense, pour avoir survolé les autres, que c’est assez représentatif.
Dans le programme du cycle 3 publié au BO n°31 du 30 juillet 2020 (le texte est disponible ici), pour ce qui concerne l’éducation physique et sportive, on peut lire :
→ L’éducation physique et sportive occupe une place originale où le corps, la motricité, l’action et l’engagement de soi sont au cœur des apprentissages et assure une contribution essentielle à l’éducation à la santé. Par la confrontation à des problèmes moteurs variés et la rencontre avec les autres, dans différents jeux et activités physiques et sportives, les élèves poursuivent au cycle 3 l’exploration de leurs possibilités motrices et renforcent leurs premières compétences.
→ L’éducation physique et sportive permet de donner un sens concret aux données mathématiques en travaillant sur temps, distance et vitesse.
→ L’éducation physique et sportive apprend aux élèves à s’exprimer en utilisant des codes non verbaux, gestuels et corporels originaux. Ils communiquent aux autres des sentiments ou des émotions par la réalisation d’actions gymniques ou acrobatiques, de représentations à visée expressive, artistique, esthétique. Ils en justifient les choix et les intentions.
→ L’éducation physique et sportive permet tout particulièrement de travailler sur ce respect [des autres], sur le refus des discriminations et l’application des principes de l’égalité fille/garçon.
→ En éducation physique et sportive, par la pratique physique, les élèves s’approprient des principes de santé, d’hygiène de vie, de préparation à l’effort (principes physiologiques) et comprennent les phénomènes qui régissent le mouvement (principes biomécaniques).
→ En éducation physique et sportive, les élèves se construisent une culture sportive. Ils découvrent le sens et l’intérêt de quelques grandes œuvres du patrimoine national et mondial, notamment dans le domaine de la danse.
Petite parenthèse, ceci explique que l’on retrouve le sport dans le socle, face à l’item : donner un avis argumenté sur ce que représente ou exprime une œuvre d’art.
Tout ceci est résumé en cinq compétences à travailler en continuité sur les différents cycles (on les retrouve dans tous les programmes officiels) :
– développer sa motricité et apprendre à s’exprimer en utilisant son corps ;
– s’approprier par la pratique physique et sportive, des méthodes et des outils ;
– partager des règles, assumer des rôles et des responsabilités ;
– apprendre à entretenir sa santé par une activité physique régulière ;
– s’approprier une culture physique sportive et artistique.
Moi, ce que je retiens de ce document officiel est cette phrase :
« Tout au long de la scolarité, l’éducation physique et sportive a pour finalité de former un citoyen lucide, autonome, physiquement et socialement éduqué, dans le souci du vivre-ensemble. »
Si elle me plaît, c’est que pour une fois on ne forme pas à « être élève » (formulation qui apparaît parfois) mais bien à être un citoyen (ou une citoyenne mais pour le discours inclusif on repassera, quoique je pourrais faire du mauvais esprit en signalant que ma fille n’est pas concernée…).
En tant que parent, je souhaite que mon enfant soit lucide (ce terme ayant deux sens, je suppose qu’il n’est pas question ici de conscience opposée à évanouissement, mais plutôt de perspicacité…), autonome (je lui souhaite de vivre un jour seule), physiquement et socialement éduqué (c’est pour ça que je l’éduque…) et qu’elle sache « vivre ensemble ». Le lien avec strictement une pratique sportive ne me semble pas évident pour autant.
La réalité : le sport lors des rendez-vous avec l’inspecteur
Comme toujours lors du rendez-vous avec l’inspecteur pour l’IEF, il y a autant de situations que de familles. Alors j’ai demandé à des familles de me raconter brièvement la présence du sport dans leur rendez-vous. Merci à tous ceux qui ont participé, bon courage à ceux pour qui ça se passe mal, bravo de défendre vos enfants.
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Cette année [2022-2023] pour mes filles de 6 ans l’inspectrice m’a parlé des 30min de sport quotidien instaurées depuis la rentrée parce qu’on s’est rendu compte que les capacités pulmonaires des enfants ont beaucoup diminuées en quelques dizaines d’années. J’ai brodé autours du temps que mes enfants passent dehors chaque jour ! (rdv effectué dans le département 49)
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Les deux premières années, l’inspectrice partait du principe que le vélo et le trampoline sont des activités pour le jardin et pas du sport. Peu importe si mon fils pratiquait en club… L’année COVID, aucun problème. En 2021 et en 2022, deux équipes différentes qui ont à chaque fois posé la question sur la pratique sportive. Cela semblait important que ce soit fait en club et non à la maison.
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Cette année pour mon fils, ils disaient que le judo c’est bien MAIS le sport collectif c’est mieux…
Pour ma fille, je leur ai expliqué que nous lui avions proposé des sports collectifs comme le basket ou le hand mais que ça ne l’intéresse pas et qu’elle est plutôt cérébrale. Ils n’ont pas insisté. Par contre, en apprenant qu’elle faisait de l’équitation, ils ont dit : et sinon, tu fais quoi comme sport ? (ahahah et bien je dirais : essayez de faire une demi-heure de trot levé et vous verrez si c’est du sport ou non … !!)
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L’année dernière quand j’ai dit que mes enfants faisaient 5h de poney par semaine le directeur m’a demandé mais ça développe quoi ? Et ton heure de basket ça développe quoi ??? Pfff !
Cette année les personnes ont été adorables poney, ping-pong, théâtre, ça leur suffisait comme activités.
L’année dernière j’ai expliqué dans quels clubs elle était inscrite. On m’a dit que c’était bien mais qu’il fallait que je regarde le programme sur Éduscol.
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Contrôle en décembre dernier pour mon fils CE1, 8 ans. j’ai apporté son diplôme de natation niveau dauphin, pas de questions posées. Nous marchons 3 kms un jour sur 2, piscine 1 fois par semaine, vélo hors hiver… et aucune question à ce sujet !
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Concernant mon fils de 8 ans : cette année, lors de l’inspection, on m’a demandé s’il pratiquait un sport. J’ai répondu qu’il faisait du karaté et nous avons feuilleté à cette occasion le livret que j’avais préparé (avec quelques photos de mon champion en action et surtout en groupe). Cela a été très apprécié et mon fils a été félicité. Il y avait beaucoup de bienveillance dans cet entretien.
L’an dernier en revanche, j’avais senti l’autre inspecteur plus tatillon et il semblait considérer une activité sportive en club comme une évidence voire une obligation dans le cadre de l’IEF. Heureusement d’ailleurs que nous avions instauré des heures d’EPS au city-stade du coin en plus car il avait ensuite mentionné cela dans le rapport. (rdv effectué dans l’académie de Rennes)
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Pour mon fils de 10 ans, il nous a été demandé s’il pratiquait un sport aussi. Pour lui, pétanque () le samedi matin et centre de loisirs chaque mercredi, où il fait des activités sportives comme à l’école et ça a suffi. (rdv effectué dans le département 84)
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Pour ma fille de 8 ans qui fait de la natation 2x/semaine, de la GRS une fois par semaine, de l’équitation aussi une fois par semaine et qui se déplace dans la maison en rollers, il a été indiqué dans le rapport qu’elle devrait pratiquer au moins une activité dans la semaine. (rdv effectué dans le département 17)
Conclusion
Finalement, en IEF, pour le sport, comme pour tout, il y a les inspecteurs qui trouvent que ça ne va pas, ceux qui s’en moquent et ceux qui pensent que tout est génial. C’est assez frustrant…
Les bienfaits d’une activité physique sont indéniables pour tous, peu importe notre âge, notre état de santé ou notre lieu de résidence. L’important est de trouver ce qui nous fait du bien, quitte à faire des essais et abandonner. La majorité d’entre nous ne prépare pas des futurs champions olympiques, juste de futurs adultes.
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