La meilleure façon de faire des dictées ou pourquoi faire des dictées

C’est un sujet qui fait débat entre ressenti personnel et objectif pédagogique, souvenirs d’enfance et ambition parentale. Pourquoi faire des dictées ? Y-a-t-il une meilleure façon de faire ? Est-il possible que ça se passe bien avec des enfants totalement réfractaires ? Peut-on vraiment progresser en dictée ?

Mais d’ailleurs qu’entend-on par « dictée » ? Petit tour d’horizon sur la question avec des pistes pour faire au mieux selon les objectifs et le profil des enfants. On vous propose même des idées pour les enfants avec troubles dys et/ou à haut potentiel intellectuel (HPI).

Dictée pour évaluer ou pour progresser ?

Catherine Brissaud, professeure de sciences du langage à l’université de Grenoble Alpes, nomme dictée traditionnelle celle qui sert à l’évaluation. C’est celle que l’on fait au brevet : sans préparation, sur un texte relativement long et avec un système de notation qui retire des points. Il s’agit d’évaluer à l’identique tous les élèves et cela permet de faire un profil des acquis et lacunes.

Elle s’oppose à la dictée innovante, un terme générique qui recouvre de nombreux autres noms : dictée du jour, dictée zéro faute, dictée négociée, twictée, dictée débat, etc. La dictée en elle-même (le fait de dicter et de laisser les élèves écrire) ne représente que la première partie de l’activité, probablement la plus courte. En effet, après le temps d’écriture, les élèves se regroupent pour discuter ensemble et trouver par eux-mêmes comment tout corriger. C’est le côté « débat », chacun apporte son grain de sel avant de réécrire le texte dans une version finale et en principe sans faute.

Le premier format sert à évaluer, le second à progresser. Ce dernier est actuellement très apprécié avec des adolescents car il se concentre sur le métalangage, c’est-à-dire sur le vocabulaire spécifique à la grammaire. Afin d’échanger avec ses pairs, on doit utiliser un vocabulaire précis.

Le compte-rendu de l’intervention de Catherine Brissaud en colloque est disponible sur cette page.

Que penser de la dictée préparée ?

Sur Mon autre reflet, nous proposons des fichiers de dictées pour différents niveaux avec à chaque fois des exercices de préparation et un système de notation positif. En effet, nous nous adressons en priorité à des personnes ayant choisi l’instruction en famille et le débat est délicat à mettre en place.

Le principe de la dictée préparée est simple : chaque dictée se concentre sur un point de grammaire spécifique. Cela peut être le présent des verbes en -ER pour le niveau CE2. Les activités à faire plusieurs jours avant se concentrent donc sur des verbes en -ER à manipuler (retrouver, conjuguer, transformer). Le défaut des activités de grammaire est que certains enfants les réussissent en automatisant les réponses et non en comprenant le fonctionnement.
Prévoir des exercices puis une dictée permet de s’assurer d’une compréhension plus en profondeur du système grammatical.

Le défaut des dictées est qu’elles incluent toujours d’autres éléments. Si je reste sur l’exemple du présent des verbes en -ER, la dictée peut inclure le verbe être ou des noms au pluriel ou bien plus. Pour la grande majorité des enfants, cela ne pose pas de problèmes particuliers. Toutefois, pour les enfants avec un trouble dys, cela augmente la difficulté d’une telle façon qu’il ne leur est plus possible de réfléchir aux verbes en -ER. C’est là que l’utilisation d’une dictée à trous prend tout son sens.

Contrairement à la dictée négociée, ici tout commence par une préparation et un travail sur des règles précises. Ensuite, on peut mettre une note ou non. Être dans l’évaluation finale ou non.

Pourquoi faire une dictée préparée
Au premier plan la page d’exercices du fichier dictée CM2 Mon autre reflet avec un cahier de grammaire pour compléter la préparation

Pour les enfants allergiques à la dictée

Le terme allergique est un peu fort mais le mot dictée n’est pas anodin et crée parfois des réactions très vives. Il faut dire que la première représentation que l’on en a est associée à un système de notation qui peut produire des -5/20 transformés en une cohorte de zéros.
Au brevet, une faute de grammaire coûte 1 point, une faute d’orthographe 0,5 point, alors que le texte compte plus d’une centaine de mots. Nombreuses sont les personnes convaincues avant même de commencer que cela ne vaut pas le coup, qu’il sera impossible d’avoir la moyenne.

Alors certains parents qui instruisent à la maison rusent.

Voici ce qu’Yza a mis en place avec sa fille (alors qu’elle était de niveau 6e) :
« Cette année, j’ai décidé d’en faire de façon détournée, sans dire qu’il s’agit d’une dictée sinon c’est fichu ^^’. Quand je dis que je fais différemment, en fait je m’inspire de la démarche et des fichiers des dictées histoire de l’art trouvées sur le site L’école d’Alexandre.
En gros, ma fille colle l’image dans son cahier puis je lui propose d’écrire la description en-dessous. C’est tout ! Lorsqu’elle écrit, je lui donne l’orthographe des noms propres qu’elle ne connaît pas. Quand elle a un doute sur un mot et qu’elle me demande, je lui demande de réfléchir à la façon dont elle pense qu’il s’écrit et je lui dis que l’on corrige après au besoin. Si elle insiste vraiment pour que je lui donne l’orthographe, je lui donne et lui demande d’essayer de bien mémoriser.
Du coup je ne sais pas trop si l’on peut vraiment appeler ça faire des dictées. C’est entre la dictée et l’écriture libre.
Sinon, je lui ai aussi proposé d’utiliser les Imagidés pour créer une petite histoire. Elle me la raconte pour que je l’écrive de mon côté puis je lui dicte et c’est à son tour d’écrire. »

dictée et histoire de l'art
De courtes dictées à partir d’un tableau

Laisser l’enfant créer le texte est une autre façon d’avancer qui renforce la confiance en soi, l’estime et l’ambition. Voici ce qu’un duo de mon entourage a mis en place :
« Nous créons ensemble une liste de mots puis à partir de ça chacune écrit un petit texte. Ensuite, ça dépend. Soit on dicte chacune son texte à l’autre puis on corrige ensemble. Soit on commence par les comparer et les corriger et on fait la dictée le lendemain.
Cela nous donne des textes assez drôles à lire et à écrire. »

Enfin une dernière expérience avec un enfant dysgraphique.
« On avait atteint le stade où il pensait ne jamais réussir à avoir un résultat correct en dictée. Même sans écrire une note, tout le rouge, tous les mots barrés, ça saute aux yeux et désespère. J’avais changé de couleurs mais ça reste visible quoiqu’il arrive. Alors, on a testé une notation positive, comme suggérée dans les dictées CM1 Tour du monde. On compte le nombre de mots correctement écrits sur toute la dictée puis on calcule le pourcentage de réussite. Grâce à tous les petits mots et, un, les (qui peuvent quand même être ponctuellement faux), cela fait très vite grimper le résultat et ça donne une autre perspective sur la dictée effectuée.
Ce qui donne une note négative selon les critères du brevet (par exemple) est en réalité un 86 % de texte bien écrit. C’est très réconfortant, ça booste l’estime de soi. Et du coup mon enfant aime préparer des dictées dans l’idée de toujours réussir au moins 80 % car c’est un chiffre assez énorme pour la vie de tous les jours. »

évaluation positive des dictées
Un graphique sur une année mettant en évidence les mots bien écrits pour toute la dictée et pour la liste de mots à apprendre pour l’occasion. Ce système est présenté dans tous les fichiers dictées de Mon autre reflet

Dictée et enfant à haut potentiel

Certains enfants à haut QI peuvent râler sur la dictée tout en n’exprimant pleinement leur capacité en grammaire et orthographe qu’à ce moment-là.
Concrètement, ce sont des enfants qui ont un vocabulaire riche. Ils ne savent pas encore écrire qu’ils peuvent vous expliquer en détail la différence entre un système solaire et une galaxie. Lors de la production d’écrits (libres ou avec un thème imposé), ils ont envie d’utiliser tous ces mots assez complexes. Ils se concentrent alors sur le sens et non sur la forme. Cela donne un texte avec une bonne structure, des mots de liaison, un niveau de langue élevé et une grammaire et une orthographe complètement mis de côté.
Lors des exercices de grammaire, ce sont des champions pour automatiser les réponses. Ils repèrent le fonctionnement et l’appliquent sans forcément avoir compris le pourquoi et le comment. À ce stade, un modèle est souvent présent (rappel de la règle ou première phrase de l’exercice déjà faite), ils s’y réfèrent sans aller plus loin. Cela donne une illusion de réussite et de compréhension au moins jusqu’au collège.
L’avantage de la dictée est que l’enfant ne va pas s’enthousiasmer dans le sens, son cerveau et ses idées sont sur un chemin bien tracé, il n’est pas maître du récit. Cela donne donc de meilleurs résultats que la production libre. D’un autre côté, impossible de se référer à une règle ultra précise et répétitive pour conjuguer les verbes ou mettre les noms au pluriel. Tous les noms ne vont pas prendre un -S, il faut donc associer la règle du pluriel régulier, celui pour les noms en -al, celui pour les noms en -ou, etc. Les résultats sont donc souvent bien plus mauvais qu’en grammaire.

Entre nous, je dois vous dire que c’est justement pour une enfant à haut potentiel que les dictées tour du monde en CM1 ont été créées (puis le niveau CM2). Car un autre élément important pour ces enfants est que l’ensemble fasse sens. Je connais un enfant HPI qui, lorsqu’une dictée lui plaisait, allait emprunter à la bibliothèque le roman dont elle était extraite.

Petite dictée CM2
Toutes les dictées Mon autre reflet proposent de découvrir des traditions ou des animaux d’une région du monde bien précise.

Conclusion

Si on résume, oui les dictées sont utiles mais tout dépend de ce que l’on en attend et de comment on les met en place.
Une dictée peut être une conclusion (avec ou sans évaluation formelle) ou une introduction sur une leçon de grammaire. Elle peut se faire en solo ou en groupe. Elle peut entraîner des débats ou juste une note.
Aujourd’hui, il est surtout rassurant de voir que cet outil évolue et peut être un élément stimulant qui rebooste la confiance en soi de certains élèves.
Et vous, adeptes des dictées ou pas du tout ?

PS : j’avais une moyenne de 0 en dictée pendant mes années de primaire. Cet exercice a plombé mes résultats au brevet de français. Aujourd’hui, j’enseigne et je fais peu de fautes. Entre les deux, j’ai découvert la linguistique et tout ce qu’une langue peut dire des humains qui la parlent.

2 réponses sur “La meilleure façon de faire des dictées ou pourquoi faire des dictées”

  1. Merci mes dames pour l’article intéressant et pour nous avoir relancé dans la dictée.
    Moi, petite, j’adorais les dictées. Elle était le fruit de mon investissement en français. Je mettais en application les leçons apprises de grammaire, de conjugaison et d’orthographe. Il y a deux ans, l’exercice de la dictée nous a blessé. En temps que parent instructeur d’un enfant dyslexique, la dictée nous renvoyait toutes ses difficultés en un seul endroit. C’était cruel à vivre car on ne s’attachait qu’à la faute, aux incompréhensions des règles ou à la difficultés d’application… Grâce aux fichiers des dictées de votre site, on se prépare davantage ! On mise sur le côté positif de la chose. Ce qui compte c’est ce qu’on réussit ensemble. On fait une dictée sur 2 à 3 semaines. Ma fille colorie les mots qu’elle connaît. On note la liste des mots inconnus. On les décortique par 5. Des lectures chronométrées, des possibilités de les réécrire avec d’autres phrases et de les découvrir dans d’autres contextes lui sont proposées. On couple cela avec les exercices que votre fichier le propose. De quoi nous donner un maximum de chance.
    Ce qui plaît à la fille : l’idée de voyage du thème, la sensation de progresser, l’idée de travailler sur des réussites.
    Ce qui lui paraît fastidieux: la longueur de la dictée.
    Merci mes dames.

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