L’école est une part importante du quotidien des enfants. Ils y passent une grande partie de la journée. Le soir, quand ils sont de retour à la maison, ils racontent (éventuellement) ce qui s’est passé à l’école, les copains de l’école, les projets de l’école. Puis il y a le temps des leçons à apprendre et réviser.
Quand on opte pour la déscolarisation volontaire, l’école est encore dans toutes les pensées. Comment voir les copains de l’école ? Doit-on se lever comme à l’école ? Est-ce que l’on suit le programme de l’école ? Doit-on travailler autant d’heure qu’à l’école ? Il y a donc un temps nécessaire de déscolarisation. Il s’agit de déscolariser son corps (réapprendre à dormir selon ses propres besoins par exemple, aller aux toilettes en toute liberté, etc.) et surtout déscolariser son esprit.
Le confinement lié à l’épidémie de Covid-19 a imposé une déscolarisation involontaire. Cette déscolarisation sans préparation ne bénéficie que de conseils de personnes n’ayant absolument jamais déscolarisé leur esprit. La marche à suivre est donc simple, de partout il est demandé de respecter le rythme de l’école, de poursuivre le programme. Peu importe les idéaux des parents ou les possibilités techniques, il faut faire l’école à la maison.
Alors que nous venons d’apprendre en France que le confinement se poursuivra officiellement au moins jusqu’au 11 mai, certains parents se demandent que faire à présent. Leurs enfants ont déjà fini tous les cahiers de vacances qui traînaient dans la maison. Et puis faire l’école à la maison, cela ne semble plaire à personne.
C’est pourquoi je souhaite vous proposer des activités mais aussi des pistes de réflexions pour ne pas sortir de ce confinement en haïssant l’école et en considérant que le salut de vos enfants est strictement entre les mains des enseignants.
Les manuels ne sont pas la seule façon d’apprendre
Les manuels scolaires sont d’excellents outils pour enseigner de façon standardisée à plusieurs personnes en même temps la même chose. Ils servent de trame. Ils permettent à l’enfant absent de savoir quelle page lire. Ils permettent à l’enseignant de savoir quoi faire en classe pour suivre le même rythme que leurs collègues.
Une même compétence peut pourtant être abordée de très nombreuses façons, avec des jeux, des vidéos, des discussions, des lectures autres, etc. Nous vous proposons par exemple toute une série de romans pour étudier la géographie ou encore un jeu de dominos pour comprendre les fractions.
On peut aimer les manuels. On peut aussi en utiliser un pour tel matière et aucun pour les autres.
Prenez garde aux manuels anciens. Ils sont souvent vantés, mais ils imposent de garder un esprit très critique car la recherche évolue, tant au niveau de la pédagogie qu’au niveau des connaissances présentées dans les dits-manuels.
Une heure de français en classe n’est pas une heure de français à la maison
J’ai lu les déclarations de plusieurs enseignants expliquant que si les parents reçoivent beaucoup de travail à transmettre à leurs enfants, c’est que c’est ce qui se passe en classe. C’est partiellement vrai, mais ce qui se passe en classe n’a aucun intérêt à être reproduit à la maison.
Prenons une leçon en maths. Il va y avoir un exercice au tableau, avec l’enseignant qui écrit et tous les enfants qui répondent ensemble. Puis il va y avoir un deuxième exercice similaire mais avec plus de temps pour permettre à chacun de réfléchir et éventuellement un élève au tableau. Puis il y a un 3e exercice que chacun fait à l’écrit en silence. La correction se fait à l’oral. Si tout est bon, alors un ou deux autres exercices seront donnés en guise d’entraînement. Sinon, on en fait en classe un dernier pour la consolidation. Et puis tel enfant particulièrement rapide a le droit d’en faire un de plus, pour s’occuper et pour tester un niveau de difficulté au-dessus.
Une leçon peut contenir 5 à 8 exercices. Bien sûr, le temps de réalisation ne correspond pas au temps réel qu’un élève seul passerait à les faire. Il y a le temps d’attente pour qu’Untel rejoigne le tableau, puis sa place. Il y a le temps que Tel Autre passe à hésiter lorsqu’il a été interrogé. Et puis il y a une question sans lien ici, une question pertinente là.
À la maison, l’élève rapide fait le premier exercice seul et a tout compris. Il fait le 2e et le 3e pour satisfaire ses parents. Mais les autres exercices perdent de leur intérêt. Puisqu’il est à la maison, il n’a pas à passer le temps tandis que ses camarades comprennent.
Et tel enfant qui a des difficultés, fait intégralement le premier exercice accompagné d’un adulte. Puis il passe au second seul mais à voix haute pour vérifier qu’il a bien compris. Il peut donc faire le 3e totalement seul et un 4e pour vérifier. Inutile de faire plus et de le dégoûter. Maintenant qu’il a compris, autant passer à autre chose. Le 5e exercice pourra servir d’introduction à la séance suivante.
Bien sûr qu’à la maison, il y a une pause pipi et une pause « j’ai soif ». Mais il n’y a pas les bruits des autres enfants qui font perdre le fil. Il y a la possibilité de faire des pauses entre chaque matière et donc de favoriser la concentration le reste du temps.
Une heure en classe, peu importe l’âge de l’apprenant, ne correspond jamais à une heure à la maison.
Le programme est pertinent en classe
Tout comme les manuels, le programme est une ligne directrice qui permet de faire avancer tous les enfants ensemble. Peu importe si on en perd certains en cours de route, l’importance est dans le groupe.
Durant le confinement, certains parents ont découvert que le niveau de leur enfant était faible. Pour certains le problème vient de l’enfant, pour d’autres de la classe. Peu importe.
Vous avez le droit de reprendre le manuel de début d’année et de tout reprendre. Vous avez le droit de mettre de côté les cours, non pour vous désengager mais pour vous réengager. Vous avez le droit de changer les règles du jeu.
Votre enfant semble détester l’histoire, mais a-t-il déjà vu des films historiques ? Votre enfant semble ne pas savoir écrire, mais a-t-il déjà pris part à un projet qui lui tient à cœur (que ce soit écrire à son meilleur ami, faire de la calligraphie, écrire un livre) ?
Si vous restez engagé et curieux avec votre enfant, même si vous ne voyez pas le lien avec le programme, votre enfant va apprendre et grandir. Il va développer ses capacités de réflexions et lorsqu’il retournera à l’école, il n’aura pas pris du retard pour autant. Il n’aura peut-être pas appris autant de faits sur la Révolution que certains camarades, mais il aura appris à écouter, réfléchir, raconter… Il sera donc mieux équipé pour suivre et comprendre ce qui se passe en classe.
Les écrans ne sont pas la solution à tout
Dès les premiers jours du confinement, on a vu apparaître partout de magnifiques ressources en ligne pour apprendre tout et n’importe quoi, visiter virtuellement n’importe quel lieu, avancer dans le programme scolaire, lire des bandes dessinées.
Chez nous, ce n’est même pas une question de nombre d’ordinateurs disponibles, mais je n’ai aucune envie que ma fille passe toute sa journée sur un écran.
Je ne suis pas anti-écran, juste je ne supporte pas les programmes qui transforment l’enfant (ou l’adulte) en réceptacle passif et immobile face à son écran. Cela me demande donc du temps pour trouver des choses qui me plaisent dans la profusion de fantastiques ressources en ligne (car si beaucoup sont présentées à égalité, en réalité toutes les ressources dites pédagogiques ne se valent pas).
Alors autant faire sans écran. À la place nous avons entrepris de rejouer à chacun de nos jeux de société, de faire des puzzles, de discuter ensemble d’histoire / géographie / etc. Et puis comme tout enfant, ma fille a des jouets qui permettent de créer énormément de choses, sans l’aide de personne.
Développer des compétences parfois inaccessibles à l’école
Les enfants qui comprennent vite, apprennent la patience à l’école.
Les enfants qui ont des difficultés, apprennent à toujours se dépêcher pour rattraper les autres.
Les enfants qui aiment bouger, apprennent à contraindre leur corps.
Tout le monde n’apprend pas la même chose à l’école. Il est donc possible que votre enfant n’y ait jamais appris la persévérance, la confiance en soi, la patience, l’écoute, le respect, etc.
Dans de nombreux cas, les puzzles et les loisirs créatifs pourraient lui permettre d’apprendre beaucoup. Pour les puzzles, cela concerne tous les enfants, même ceux qui ne sont plus enfants mais adolescents. Se lancer dans la couture, la peinture ou la linogravure demande de l’observation et de la patience et offre la satisfaction de tenir entre ses mains sa compétence nouvelle.
Dans tous les cas ce sont des projets qui peuvent ensuite se développer sur plusieurs jours. On constate alors par soi-même que chaque jour qui passe nous rend plus compétent.
Apprendre ce qu’est la tenue d’une maison
Régulièrement des études (comme celle-ci) sont publiées pour révéler que les enfants ne savent pas que la frite vient de la pomme de terre ! Qu’ils ne reconnaissent pas une prune ! Qu’ils sont totalement déconnectés de la nature !
L’une des conclusions rapides est toujours que ces enfants consomment trop de malbouffe. C’est possible.
Toutefois ce n’est probablement pas la seule explication. Qui aime emmener ses enfants au supermarché ? Qui laisse les enfants tourner autour d’eux pendant la cuisine ? Ce sont des corvées. De plus la cuisine avec les plats qui cuisent peut être un lieu dangereux.
Et entre adultes, n’avez-vous jamais discuté de ce nouveau copain qui n’a jamais lavé les vitres chez lui ? Ou de telle autre qui a utilisé pour la première fois une machine à laver seule ?
Ranger les courses, découvrir que le frigo et les placards ont une organisation, que les oignons arrivent d’abord dans un filet et qu’on lave les fruits avant de les mettre dans le bol en accès libre, ça s’apprend ! Et dès que l’enfant sait marcher et porter quelque chose en même temps, il peut aider.
Alors bien sûr, quand l’enfant ou même l’adolescent, le fait à votre place, cela peut demander plus de temps. Mais est-ce si important d’aller vite ?
Vous n’êtes pas l’animateur de vos enfants
Vous n’avez pas à occuper les enfants. Vous n’avez pas à les amuser.
En tant que parents, votre rôle est de les accompagner, de vivre avec eux, de les écouter, de les réconforter, de les aimer. Ne cherchez pas à leur lire des histoires car ainsi ils connaîtront plus vite Shakespeare ou Sherlock Holmes. Lisez-leur des histoires car cela vous fait plaisir (plaisir de lire, d’être assis ensemble, de les voir rire).
N’hésitez pas à dire « je ne sais pas ». N’hésitez pas à le laisser seul. N’hésitez pas à exprimer votre opinion (et à en débattre). N’hésitez pas à vous lancer dans une activité pour vous, qui vous occupera les mains et l’esprit. Peut-être qu’ils auront envie d’essayer, peut-être qu’ils découvriront qu’ils doivent vraiment se débrouiller seul pour trente minutes ou une heure. Et surtout ils profiteront de votre modèle.
Voici quelques idées concrètes d’activités à faire avec vos enfants (cliquez sur chaque photo pour en savoir plus) :