Jusqu’à présent, j’ai toujours écrit des articles qui vous permettent d’avoir les grandes lignes afin de faire de la littérature en instruction en famille, peu importe l’âge de l’enfant, peu importe le livre. J’ai envie d’ajouter sur le blog des présentations de beaux albums avec des idées concrètes pour une exploitation pédagogique. Je suis un citoyen américain m’a semblé être parfait pour débuter car j’ai été séduite par la lecture et aujourd’hui se tiennent les élections aux États-Unis.
Je suis un citoyen américain
Le titre complet est Je suis citoyen américain, Wong Kim Ark, aux racines du droit du sol.
Cet album au format paysage s’attache à retranscrire la détermination de Wong Kim Ark, l’homme qui força la Cour suprême à trancher sur la question de la citoyenneté aux États-Unis.
Dit comme cela, Je suis citoyen américain semble être un livre sur un sujet plutôt complexe quand on limite encore souvent les albums aux enfants de moins de 6 ans. D’ailleurs l’éditeur le conseille à partir de 8 ans. J’ai envie de nuancer : les enfants vivant dans des familles pluriculturelles peuvent le lire à partir de 5 ou 6 ans. Mais j’y reviens juste après.
Cet album nous présente donc Kim Ark, né en 1873 à San Francisco dans une famille chinoise. Né aux États-Unis, il s’est toujours considéré comme un Américain. D’ailleurs, il ne visite la Chine pour la première fois qu’en tant qu’adulte et c’est ce qui va provoquer le procès « États-Unis contre Wong Kim Ark ».
Ce voyage se déroule alors que les États-Unis subissent une crise économique. Les résidents d’origine chinoise sont jugés responsables, ce qui se traduit par des actes de violence et des changements législatifs. À son retour de Chine, malgré plusieurs documents prouvant que Kim Ark est né aux États-Unis, on lui interdit l’entrée sur le territoire.
Ce procès force la Cour suprême à réfléchir à la question « Qu’est-ce qui fait de quelqu’un un Américain ? ». Est-ce le lieu de naissance ? La culture d’origine ? Mais que dire des peuples autochtones ?
Wong Kim Ark gagne le procès et le pays inscrit dans la loi le droit du sol. Toute personne née aux États-Unis a la citoyenneté américaine.
Mon avis sur cet album aux éditions HongFei
Ce livre a été créé par trois femmes, deux autrices et une illustratrice. L’ensemble donne un résultat harmonieux avec les textes et les illustrations qui se complètent. On ne peut se passer de l’un ou de l’autre.
Il y a donc une invitation à observer chaque élément et à développer un regard critique.
L’exemple parfait est la double page où il est dit que face à la crise économique, on tenait les Chinois pour responsables. Il n’est rien dit de plus sur l’expression de cette idée par les habitants blancs. Mais le texte fait face à l’illustration d’une vitrine qui a été brisée de l’extérieur. Probablement une personne fâchée qui a envoyé une brique pour abîmer le commerce en question.
On peut aussi prendre le temps de remarquer quels éléments de la ville ont des indications en chinois et lesquels ont de l’anglais. Sans oublier le jeu des couleurs, les éléments architecturaux et bien plus encore.
Cela signifie que si la lecture peut techniquement se suffire à elle-même, tout est fait pour créer une discussion (avec soi-même ou en famille). Les échanges peuvent ensuite être adaptés à l’âge et aux réflexions des différents enfants.
Un autre élément que j’ai vraiment apprécié est le petit dossier qui fait suite au récit. Une page présente notre héros, pourquoi lui plutôt qu’un autre Américain d’origine chinoise. Puis il y a plusieurs pages sur la citoyenneté en France (HongFei est une maison d’édition française), comment on l’obtient, ce que cela veut dire d’être français.
À quel âge lire Je suis un citoyen américain
L’éditeur le conseille à partir de 8 ans et comme toujours on n’est jamais trop vieux pour lire un album.
En tant que support sur la question de la citoyenneté, je pense que c’est un très bon livre entre 8 et 16 ans. En effet, en 4e, on étudie la colonisation et cela permet donc d’avoir un autre regard sur l’occupation des terres. Durant toutes les années collège, l’EMC est une matière à part entière et la citoyenneté, la notion de Cour suprême, la liberté de circulation sont ici présentés avec un regard non-blanc.
Comme je le disais plus haut, il est également possible de le lire avant 8 ans, quand l’enfant est déjà sensibilisé à la notion de « nationalité ». Je pense aux enfants qui sont français mais savent que papa ou maman est espagnol·e, à ceux qui parlent à la maison une langue différente de celle dans la rue / l’école / les magasins, à ceux à qui ont demande d’où tu viens car le physique ne correspond pas à l’idée que l’on se fait d’une citoyenneté.
Pistes pour aller au-delà de la lecture
Je vous invite avant tout à lire mon article entrer en littérature en famille car vous y trouverez des pistes pour étudier n’importe quel livre.
Voici à présent des questions autour de la lecture.
La couverture reprend les éléments de l’un des symboles importants des États-Unis ? Lequel ? Comment l’illustratrice fait-elle le lien avec lui ?
Dans la première partie (jusqu’à la double page où Kim Ark est en prison) : comparer les représentations de la rue. Dans quelles mesures la rue chinoise de San Francisco ressemble ou diffère de la rue en Chine ?
À ton avis, pourquoi la double page de la prison ne montre que Wong Kim Ark en couleur ? Qu’est-ce que cela dit des autres prisonniers ?
L’un des arguments contre son accès à la citoyenneté américaine est que les coutumes et la langue de ses ancêtres sont trop différentes. Mais à ton avis, Wong Kim Ark ne vivait-il pas déjà par certains aspects comme un Américain ? Quelles langues parlaient-ils ? Où est-il allé à l’école ?
Par ailleurs, cet argument pose un souci avec les premiers habitants du continent nord-américain : les peuples autochtones. En quoi cet argument de la culture et de la langue gêne-t-il ?
D’autres pistes :
– vidéo Nationalité et citoyenneté (exemple français) sur Lumni
– carte XXL des États-Unis à imprimer
– des documents authentiques (des photos principalement mais le site est en anglais)
Conclusion
Cet album a donc toute sa place dans de nombreuses bibliothèques, pour donner une autre dimension à l’histoire et à l’EMC. En plus d’offrir une réflexion complète, il est beau et bien écrit/traduit.
Sachant que la notion de citoyenneté est régulièrement utilisée dans les campagnes électorales des deux côtés de l’Atlantique, cela me semble un bon rappel sur la réalité derrière les lois et les discours.