Le printemps, renouveau et épuisement des parents IEF

J’adore le printemps. J’aime les couleurs qui apparaissent autour de moi et la présence du ciel bleu qui ne cesse d’augmenter. Je ne révolutionne rien avec un tel avis, d’ailleurs les médias, surtout féminins ou liés au bien-être, vont dans mon sens, de même que les coiffeurs et boulangers quand il s’agit de débuter une conversation.

En changeant la loi et les modalités pour accéder à l’instruction en famille (IEF), je me demande si cette saison de renouveau ne va pas devenir une saison haïe. Une saison liée au stress, à l’anxiété, au manque de temps. Le tout avec un emballage d’entraide qui s’effrite face aux inégalités du système.

Alors que l’on devrait faire évoluer notre façon d’instruire nos enfants pour les derniers mois de l’année scolaire (pour profiter des beaux jours), nous nous enfermons, souvent seule avec notre ordinateur. L’obligation est là de mettre de côté les balades et les rêveries, pour choisir les bons mots et les bons supports, le bon motif et la bonne vision pédagogique.

L’égalité, principe central de la révolution française, est totalement absente de cette nouvelle loi.

ciel bleu sur marée d'inégalité pour l'instruction en famille
Ciel bleu dans la Somme

Les enfants ne sont pas égaux dans leur accès à l’instruction en famille, puisque les parents doivent avoir le bac*. Après tout, on peut arguer que cela ne fait que renforcer (ou maintenir) les inégalités scolaires. En 2022, un test mené auprès des élèves scolarisés en 6e mettait en évidence que si 41 % des enfants ayant des parents cadres ont de bons résultats en français, il ne sont plus que 10 % quand les parents sont ouvriers. Ne commentons pas le fait qu’ils ne soient que 41 % au maximum… ce n’est pas le sujet du jour.
Dommage qu’en 2009, une étude menée aux États-Unis ait mis en avant qu’en IEF la différence de résultat scolaire selon le revenu des parents est extrêmement faible… Ne commentons pas qu’elle signale aussi que les jeunes réussissent significativement mieux que leurs camarades scolarisés, ce n’est toujours pas le sujet.

Les familles ne sont pas égales dans leur accès à l’instruction en famille car d’un département à l’autre les « règles » changent. Impossible d’anticiper car les départements cléments ne sont pas toujours les mêmes d’une année sur l’autre. Un jeu de roulette russe où tout le monde a l’impression de finir perdant.
Comment peut-il en être autrement quand, avant même de recevoir sa première demande à étudier, le rectorat d’Alsace déclare qu’il n’acceptera que 75 % des dossiers ? Il ne s’agit donc pas d’une présentation comme un examen, où tous ceux qui réussissent « passent ». Mais d’un format « concours » sans que les modalités précises de sélection ne soient connues.

Les enfants de 3 ans sans aîné en IEF ne sont pas égaux face à ceux de 3 ans qui sont les premiers de la fratrie à demander ce mode d’instruction.
Les parents ne sont pas égaux dans leur procédure, certains recevant des réponses positives en deux semaines, d’autres patientant deux mois moins un jour avant d’avoir leur courrier. Chacun gère alors au mieux le stress de l’attente.

Et la liste est encore longue.

Ciel bleu
Ciel bleu en Alsace

En décembre dernier, lors de notre rendez-vous annuel avec l’Éducation Nationale, on a demandé à trois reprises (par trois personnes différentes et en moins d’une heure), si les copains de retour à l’école ne donnaient pas envie à ma fille d’y aller.
Elle a répondu « Non, pas vraiment », puis « Non pas du tout » et finalement « Non, c’est même l’inverse vu qu’ils se font harceler ».

C’est le printemps.
Il fait beau et j’ai envie d’aller me promener.
À la place j’ai couru auprès de différentes personnes de l’école de musique de ma fille pour sa demande en motif 2 (que j’ai posté le 1er mars), j’ai relu les dossiers de copines et j’ai rejoint un groupe régional de relecture de dossiers. Bon, j’ai aussi eu des soucis de santé.
J’ai aussi passé l’après-midi avec une maman qui n’a pas le bac et qui ne savait pas quoi faire pour son fils harcelé à l’école**. Une jeune femme intelligente, hyper impliquée, qui a cru le système qui lui a dit que sans le bac elle était incapable d’instruire son enfant et qu’elle ne valait rien.

C’est le printemps.
Certains découvrent du vocabulaire juridique, d’autres connaissent par cœur les attendus de cycle.
Beaucoup sont stressés, inquiets, débordés.

Et les enfants dans tout ça ?
Mais qui peut nous reprocher de ne pas avoir le temps de les emmener pique-niquer ? Probablement les mêmes qui nous expliquent que tout ça, c’est pour le bien des enfants.

* Le bac est nécessaire pour tout instructeur dans le cadre d’une demande pour motif 4.
** Une déscolarisation en milieu d’année est possible peu importe le niveau d’études des parents quand il y a harcèlement. C’est la suite de l’IEF lors de la rentrée suivante qui est plus compliquée.

Sources :
évolution des inégalités sociales pendant la scolarité
Homeschool Progress Report 2009: Academic Achievement and Demographics

2 réponses sur “Le printemps, renouveau et épuisement des parents IEF”

  1. Oh, merci Tiphanya pour cet article. Je suis précisément en train de sacrifier une semaine de vacances avec mes filles pour préparer leurs dossiers ief pour l’an prochain (motif 4, donc projet pédagogique détaillé à fournir). Et tout mon être se révolte d’avoir à être vissée devant mon ordi jusque tard dans la nuit, alors que j’ai tant envie de faire des choses sympa avec mes filles. J’en viens même à me culpabiliser de ne pas pouvoir leur accorder de mon temps… Merci de mettre ainsi des mots sur mon ressenti, merci de me rappeler que cette lutte contre l’injustice, nous sommes nombreux à la mener pour le bien de nos enfants. Bien cordialement.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *